J’adore ce continent, où tuer ne fait pas peur! J’adore mon continent dans lequel la franchise universitaire est plutôt une franchise militaire.
J’adore ce continent où les valeurs ont perdu leurs côtes et où les vertèbres des vices tournent à merveille.
J’adore mon continent!
Ce continent dans lequel matin et soir, pour de l’argent et pour des privilèges éphémères, nous sommes capables d’abattre, la main sur la conscience, nos nobles convictions.
J’adore ce continent où sur le trottoir, il y a de la place pour tout, sauf pour le piéton et où brillent dans les rues, les insultes les plus puantes et les coups de Klaxon les plus sonores. Tout vous est servi pour presque rien.
J’adore ce continent dans lequel la brutalité, la violence et l’intolérance sont les fers de lance du développement. J’adore mon continent!
Ce continent où un chef de service ou tout autre petit, tout petit responsable croit qu’en te faisant poireauter dans sa salle d’attente avant de te recevoir le rendait davantage important ou puissant. Sa première préoccupation est d’ailleurs, le détournement des fonds publics.
J’adore ce continent dans lequel roulent fièrement des trains qui crachent la crasse. Des trains qui ailleurs, ont perdu toute crédibilité écologique. C’est l’évolution industrielle ici.
À minuit et un peu au delà, ce train peut traverser la ville en sifflant en continu, soixante secondes durant, cette fumée noire en fanion au vent. Le mécanicien, lui, il est ravi. Sa micheline d’un autre siècle répond encore. Et brillamment, puis bruyamment bien.
Vive l’évolution industrielle ici. J’adore mon continent!
Ce continent dans lequel le ridicule radical a atteint un point radicalement critique.
J’adore ce continent à la conscience en feu, dans lequel le plus militant est forcément le plus méritant.
J’adore ce continent où sur une moto conçue pour deux, on peut se retrouver à trois, à quatre, à cinq. Toute une famille peut se retrouver là-dessus et ça roule et ça roule et tout va bien. Vive le progrès! Vive la police spectatrice du comportement à risques!
Servais Koumako