Rideaux dispendieux, garden-parties somptueuses, budget donc pour l’achat de voitures : les membres du gouvernement kényan, tout en cherchant tous les azimuts des économies et en maximisant les impôts, se sont lancés dans une frénésie de dépenses, jugées ostentatoires par la population.
Un rapport publié le mois dernier par l’auditeur en charge des deniers publics a épinglé le bureau du vice-président qui a dépensé quelque 10,2 millions de shillings (environ 65.000 euros) pour des rideaux, et près de 46.000 euros pour des meubles. Ces dépenses étaient « en violation de la loi », selon l’auditeur, car contraire aux règles de marchés publics.
Le gouvernement n’a pas commenté et n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP. Ces révélations ont provoqué l’ire dans le pays d’Afrique de l’Est, en proie à des difficultés économiques et confronté à de nombreuses hausses d’impôts depuis l’élection du président William Ruto en août 2022.
Les autorités ont « réduit mon budget, et ont dépensé l’argent en boissons et dîners », s’insurge Moses Bett, enseignant à Nairobi, la capitale.
Le Kenya, locomotive économique d’Afrique de l’Est où la corruption est un sujet récurrent, et qui vient d’être placé sur la liste grise de « surveillance renforcée » par l’organisme de lutte anti-blanchiment Gafi, est confronté à une montagne de dettes et à une inflation importante.
«Dans le rouge»
« Je suis dans le rouge », constate malgré Moses Bett, 32 ans, père de deux enfants, en tapotant les poches vides de son pantalon. « Il devient chaque jour de plus en plus difficile de subvenir aux besoins de ma famille avec ce qui reste de mon salaire ».
Lors de son investiture, William Ruto, qui avait auparavant servi comme vice-président, s’était engagé à réduire les dépenses publiques, affirmant que le pays « vit au-dessus de ses moyens ».
Considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays, l’homme d’affaires devenu politicien, qui a fait campagne sur un programme visant à soutenir les plus pauvres, prévoit néanmoins de dépenser plus de 1,3 milliard de shillings (plus de 8,2 millions d’euros) pour rénover ses huit résidences officielles. Les bureaux présidentiels de State House à Nairobi, construits il y a un siècle, seront rénovés pour un coût de plus de 700 millions de shillings (4,4 millions d’euros).
Autre dépense pointée du doigt : le budget alloué l’année dernière à l’achat de véhicules, de 800 millions de shillings (5 millions d’euros). « Il semble qu’ils nous ont oubliés (…) dès qu’ils sont arrivés au pouvoir », déplore Sharon Mwaruma, vendeuse ambulante.
«S’enrichir rapidement»
Au cours des six premiers mois de sa présidence, William Ruto a dépensé plus de 1,49 milliard de shillings (9,4 millions d’euros) en réceptions et fêtes, selon les registres du Trésor.
Ses nombreux déplacements à l’étranger sont également évoqués. Selon le journal kényan The Standard, qui surnomme M. Ruto « le président volant », l’homme de 57 ans a passé un jour sur cinq hors du Kenya, se rendant dans 38 pays depuis son arrivée au pouvoir.
William Ruto a de son côté défendu ses déplacements comme partie intégrante de sa fonction. « Je ne voyage pas en tant que touriste. Je planifie les affaires du Kenya », avait-il déclaré en décembre.
Un argument qui ne convainc que rarement dans un pays où les administrations précédentes ont également été accusées de gabegie. « Les dirigeants ne se soucient pas de nous. Pourtant, nous les avons élus », remarque Judith Kamau, cheffe dans un restaurant.
Et des voix s’élèvent pour affirmer que les mesures économiques du gouvernement n’ont guère contribué à améliorer le quotidien de la population. L’inflation était de 6,9% en janvier. Le Fonds monétaire international a prévenu qu’elle risquait de s’accentuer au premier semestre.
Et la dette kenyane s’élève à près de 65 milliards d’euros, soit plus de 67% du produit intérieur brut. Le shilling a atteint au début de l’année son plus bas historique face au dollar, avant de se redresser ces dernières semaines.
Malgré cette légère embellie, Purity Mwende, qui est au chômage, n’espère rien du gouvernement. « Au Kenya, la politique n’est qu’un moyen de s’enrichir rapidement », explique la jeune femme de 26 ans. « Seules leurs familles en bénéfiques ».
AFP/Sahutiafrica