Un moment, me confia-t-il j’en ai eu marre de la corruption. J’en ai eu assez du détournement de fonds de l’Etat. J’ai eu envie d’être honnête, d’être enfin tranquille avec ma conscience, en étant un bon citoyen. Oui, cher Christian, cela m’avait frôlé l’esprit, cela à tel point que j’ai d’abord pensé que c’était un mauvais rêve. Non, c’était réel, c’était ma réalité, c’était l’occasion pour moi d’écrire une page saine de mon histoire ou d’en laisser une vierge à la corruption ou aux vices qui me hantent.
Je te jure que je m’étais dit sérieusement, pour la première fois de ma vie « c’est fini, c’en est trop, je vais voler jusqu’à quand? ».
Sans doute avec l’âge, la sagesse arrive sans précaution. Étonnamment, je m’étais dis « l’argent de l’Etat, c’est pour le peuple congolais dont je fais parti. D’ailleurs même, ça me sert à quoi d’être riche seul devant tant de misères? Ça me sert à quoi d’en avoir tellement alors qu’en mourant, je laisserai tout? »
C’était sans compter sur l’opiniâtreté de la cupidité qui baise Cupidon à tous les coups. C’était aussi avant que je ne sache que 80% du budget sert au fonctionnement de tous les grands personnels de l’Etat. Quand en plus je me suis rendu compte que certains de ces gens-là sont “inutiles” et sont rarement imposables alors que mon Etat prend entièrement leur vie en charge, je me suis récusé. Mais c’est quoi cette histoire? Comment est-ce que ceux qui ne font rien ont toujours tous les avantages en prenant le peuple pour des esclaves?
C’est devant ces évidences, que je me suis dit, si je suis honnête, eux ne le seront pas. Jamais, ils ne le seront. La preuve criante et flagrante, le manque de justice distributive. Alors, je préfère leur couper l’herbe sous les pieds en détournant à mon niveau. Ma transparence ne changerait rien à leur voracité budgétivore. C’est ainsi que j’avais décidé de m’enrichir avec eux. Pas totalement comme eux parce qu’eux ont le pouvoir, mais plutôt comme tout riche pour me permettre de survivre.
C’est décidé, plus jamais je ne les enrichirai davantage. Ils auront de moi ce que je voudrais offrir et non les obligations du peuple. Je ne veux jamais mieux les enrichir, on se connaît. J’ai donc choisi de rester dans cette frange de la population qui détourne l’argent de l’Etat, car on a peu mais on à l’influence. Alors pourquoi je les aiderais encore? S’ils deviennent trop puissants, ils vont nous écraser. Je joues la carte de la prudence et de l’anticipation, la prison coûte cher. Et même si je n’ai pas le pouvoir comme eux, j’ai au moins l’influence. C’est mieux que rien et c’est le pouvoir de l’argent et crois-moi Christian, l’argent te rend plus fort que tous les super-héros réunis…
Christian Gombo