Conflit russo-ukrainien : qu’en est-il de la situation des étudiants africains dans une ville encerclée par les Russes ?  

Adamu dort tout habillé, ses chaussures et sa veste chaude enfilée. Prêt « si la moindre opportunité d’être évacué se présente ». Comme des centaines d’étudiants étrangers, principalement africains, le Nigérian est coincé à Soumy, dans le nord-est de l’Ukraine.

La frontière russe n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres et ses soldats encerclent la ville, « c’est ce que je lis mais après tout je n’en sais rien », soupire l’étudiant en médecine, 23 ans, joint au téléphone par l’AFP depuis l’Afrique du Sud. Plus de bus, pas de train, les rares taxis coûtent cher et sont utilisés par les étudiants, en groupes, pour aller dans la matinée, « plus calme au niveau des explosions », se ravitailler dans les supermarchés.

Du riz, des spaghettis, oignons et sauce tomate, Adamu Rabiu, logé dans le Dortoir 3 de l’Université d’État, a de quoi tenir plusieurs jours. « Mais après ? ». « Les routes ne sont pas sûres mais je suis décidé. Je partirai s’il y a la moindre possibilité. Même pour passer par Kiev ou Kharkiv », où les combats font rage, afin de rejoindre les frontières occidentales du pays.

L’avantage, dans ces moments-là « d’être noir, c’est qu’on voit qu’on est étranger », ajoute-t-il, même s’il n’ignore rien des tensions racistes rapportées aux frontières par d’autres Africains. L’Ukraine comptait 16.000 étudiants africains avant le conflit, selon son ambassadrice à Pretoria, héritage des relations étroites de nombreux pays du continent avec le bloc soviétique.

Lire aussi :  Conflit russo-ukrainien : une mission de paix africaine auprès des belligérants en juin

« C’est risqué de partir, mais risqué aussi de rester », argumente Adamu. Imagine que « la guerre dure un an, nous devrions attendre ici un an… », souffle-t-il. « Il faut partir à tout prix ». « On est des cibles faciles là, à attendre », s’inquiète aussi Moses Kanhema, Zimbabwéen de 28 ans, qui a quitté son appartement en ville, « trop dangereux », pour rejoindre les dortoirs universitaires.

« Nous devons essayer de sortir d’ici via la Pologne », renchérit son compatriote Kuziva, 23 ans, en école d’ingénieur, qui préfère garder son nom de famille pour lui. « Il y a eu beaucoup de combats ici, j’espère qu’on s’en sortira vivants », ajoute ce dernier d’une voix blanche. Son gouvernement, qui n’a pas d’ambassade en Ukraine, « se montre compréhensif, ils nous soutiennent mais ils n’ont pas accès à leurs citoyens ici », constate-t-il sans colère.

« Ils ont pris nos numéros de passeport. Depuis, ils appellent régulièrement pour dire restez tranquilles, restez en sécurité », enrage au contraire Moses, qui leur reproche « une absence totale d’initiative ». « Nous n’avons rien à voir avec cette situation, nous sommes justes venus ici pour étudier », répète-t-il avec impuissance. « Ce n’est pas notre conflit ».

Racheal Diyaolu, Irlandaise de 19 ans qui termine son premier semestre ici, prend son mal en patience. Elle n’en mène pas large parce que la veille, elle a été réveillée « par une forte explosion ». « Qui tire ? Est-ce loin ou très proche, on n’en sait rien ». Pendant des heures, ça peut redevenir calme. « Et puis on entend des coups de feu ». Sans comprendre. Avec ses copains du Dortoir 4, à chaque alerte, elle descend dans le « bunker ». Des murs nus, plusieurs salles. De vieux bureaux, quelques bancs pour s’asseoir et de rares matelas en mousse.

Lire aussi :  RDC : le gouvernement gèle la TVA sur certains produits de première nécessité

« Pas de réseau au sous-sol mais on a des prises pour recharger nos mobiles », dit la jeune femme, qui appelle père, mère, frère ou sœur, dès qu’elle remonte à la surface. Pour dire que tout va bien. Au début, outre les sirènes, quand il y avait des informations sur de possibles bombardements, « un étudiant venait frapper à la porte et je descendais ».

Après quelques jours de guerre, ces alertes se transmettent via un groupe monté sur la messagerie Telegram. Le quotidien s’organise. Dans une ambiance de « vraie camaraderie ».

Racheal s’accroche à sa routine journalière, pour ne pas perdre pied. Se lever, s’habiller, se jeter sur le téléphone pour s’informer. Elle dort à poings fermés, sinon « le lendemain je ne serais pas en état ». La peur aide à dormir, en empêche d’autres de s’assoupir, ça dépend des tempéraments.

AFP/Sahutiafrica

Les plus lus

Elections en RDC : quel rôle joue le conseiller communal ?

Ce mercredi 20 décembre, les Congolais sont appelés à élire un chef de l’Etat, des députés nationaux et provinciaux ainsi que les conseillers communaux...

L’armée ou les FARDC recrute(nt)… (Carnet de Christian Gombo)

Pourquoi les partis, les grands partis, les supers partis politiques de la République, qui sont en même temps d’excellents députés, d’excellents sénateurs, d’excellents ministres,...

RDC/Exetat 2024 : scènes de liesse après la publication des résultats à Kinshasa

Sifflet, cris de joie, danses... Scènes de liesse à Kinshasa, capitale congolaise, où plusieurs finalistes ont jubilé après la publication des épreuves du baccalauréat...

RDC : les enseignants radicalisent le mouvement de grève à Beni

Les enseignants décident de durcir le mouvement de grève à Beni, ville située dans l’est de la RDC. Cette décision a été prise à...

En Côte d’Ivoire, des fermes d’escargots géants en plein boom

Ils peuvent peser jusqu’à 500 grammes et mesurer dix centimètres de long : très appréciés en Côte d’Ivoire, les escargots géants disparaissent de la...

Sur le même thème

Sénégal : Macky Sall se retire de l’initiative 4P pour se consacrer aux législatives

En renonçant à ses fonctions d’envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P), Mack Sall veut se consacrer à...

Présidentielle en Tunisie : le président Kais Saied donné vainqueur, ses partisans dans la rue

En Tunisie, le président Kais Saied a remporté dimanche avec plus de 89% des voix la présidentielle, marquée par une très faible participation, selon...

Au Ghana, pression pour obtenir la libération de 54 manifestants arrêtés

Jeudi 3 octobre, des centaines de jeunes ghanéens sont descendus dans les rues d' Accra pour demander la libération de cinquante-quatre manifestants arrêtés en...

France-RDC : tête-à-tête entre Macron et Tshisekedi autour de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC

Emmanuel Macron, président français, et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, ont échangé autour de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, en proie...

Libye : reprise de la production pétrolière après un accord entre les parties prenantes

En Libye, la production et les exportations de pétrole ont repris en Libye après la levée de l'état de force majeure décrété par les...