Après l’euphorie de la victoire des Eléphants de la Côte d’Ivoire à la CAN, le président Alassane Ouattara a gracié cinquante-un prisonniers, civils et militaires, condamnés pour « des infractions commises lors des crises post-électorales ou pour atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Une décision qui est tombée à l’issue d’une réunion du Conseil nationale de la sécurité (CNS), dont le communiqué a été lu par Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du président Alassane Ouattara. Selon le communiqué, cette décision est liée au bilan sécuritaire de la CAN remportée par les Eléphants, mais aussi à « l’esprit de fraternité, d’union et de cohésion manifesté par les Ivoiriens pendant cette compétition ».
Des personnalités proches des opposants Laurent Gbagbo et Guillaume Soro figurent parmi les bénéficiaires de cette grâce présidentielle. Il s’agit notamment du général Bruno Dogbo Blé, ancien commandant de la garde républicaine de Laurent Gbagbo. Arrêté en avril 2011, il avait écopé des lourdes peines, notamment pour complicité dans l’assassinat en 2002 de l’ancien président Robert Gueï.
Le colonel Paulin Katé Gnatoa, ancien adjoint du général Dogbo Blé, est aussi une autre parmi les militaires pro-Ggagbo à bénéficier de cette mesure de grâce. En février 2012, l’officier avait été condamné pour avoir organisé un « complot », visant à renverser le président Ouattara.
« Maintenant, le processus de réconciliation nationale est d’abord l’initiative du gouvernement et nous sommes disposés depuis toujours à discuter pour solder tous les contentieux de la crise post-électorale », estime Jean Gervais Tcheïdé, le secrétaire général de PPA-CI, parti de Laurent Gbagbo.
Dans le camp de Guillaume Soro, Souleymane Kamaraté dit « Soul to Soul », Jean-Baptiste Kouamé Kassé, chef de la garde rapprochée de Guillaume Soro, tous deux condamnés à 20 ans de prison, ont été graciés. Tout comme Affoussiata Bamba-Lamine, ex-porte-parole de la rébellion et ancienne ministre de la communication d’Alassane Ouattara. Condamnée en 2021 avec Guillaume Soro et ses coaccusés, elle s’est exilée. Seul Guillaume Soro ne figure pas parmi les personnalités graciées. Jusque-là, l’opposant n’a pas réagi.
En Côte d’Ivoire, où l’on fête la troisième étoile des Eléphants miraculeux, ces grâces interviennent dans un contexte d’une future déclaration du président Alassane Ouattara. Pour André Silver Konan, journaliste et analyste politique ivoirien, c’est une action qu’il faut prendre dans le sens de la réconciliation nationale.
L’analyste affirme qu’il s’agit d’un autre acte fort posé par le président Alassane Ouattara pour l’unité, rappelant le retour de Laurent Gbagbo, ancien chef de l’Etat et de Charles Blé Goudé. Inculpés pour crimes de guerre après les crises post-électorales de 2010-2011, ils avaient été acquittés par la Cour pénale internationale.
« Le président Alassane Ouattara est en train de réfléchir sur comment il sort du jeu en Côte d’Ivoire. Soit, il compte se présenter à un quatrième mandat. Il va chercher à avoir le soutien de Guillaume Soro, tout en ménageant les pro-Laurent Gbagbo, de sorte à faire front au PDCI de Tidiane Thiam, qui est son principal challenger. Soit, il compte sortir du jeu, n’étant pas candidat à un quatrième mandat, en laissant la place à un autre candidat de son parti, le RHDP, de se présenter », se projette le journaliste André Silver Konan.
D’après lui, Alassane Ouattara veut se poser, après le succès de la CAN, comme celui qui a réussi à bâtir la Côte d’Ivoire après la guerre, à repositionner le pays sur la scène internationale et a un bilan macro-économique indéniable avec des indicateurs au vert. « S’il clarifie le jeu démocratique avec une commission électorale totalement indépendante et débarrassée de pesanteurs politiciennes du pouvoir RHDP, il va entrer dans l’histoire par la grande porte. Et l’histoire retiendra qu’il a été un grand président », commente André Silver Konan.
Bamba Drissa, coordonnateur du Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), estime que la grâce présidentielle ne peut en aucun cas empêcher les réparations pour de nombreuses victimes. « On ne peut pas passer tout ce que ces victimes-là ont subi par pertes et profits. C’est vrai que ce sont des mesures qui vont dans le sens de la réconciliation, dans le sens de l’apaisement. Mais il ne faut pas oublier les victimes », a-t-il indiqué.
Ben Tshokuta et Trésor Mutombo