Ce lundi 27 mai, de nombreux Sud-Africains, dans l’impossibilité de se déplacer mercredi pour voter aux législatives, annoncées comme les plus disputées depuis trente ans, ont commencé à déposer leurs bulletins.
Quelque 27,6 millions d’électeurs au total sont inscrits. Plus de 1,6 million s’étaient enregistrés pour voter en amont du jour férié électoral, et peuvent soit se rendre dans leurs bureaux de vote, soit bénéficier d’une visite à domicile, pour voter lundi et mardi.
Les bureaux sont ouverts de 09H00 à 17H00 locales (07H00 à 15H00 GMT). Et des agents de la Commission électorale (IEC) se rendront auprès de 624.000 électeurs dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les prisons ou même à la maison.
Dans ce bureau de vote du quartier populaire de Yeoville, à Johannesburg, la journée a commencé tout doucement : en fin de matinée, seuls quatre électeurs sur les 200 inscrits pour un vote anticipé s’étaient exprimés.
Enveloppé dans un gros pull et un pantalon en velours, en ce matin frisquet de début d’hiver austral, Philemon Makweng dit fièrement à l’AFP avoir participé à chaque scrutin depuis l’avènement de la démocratie dans le pays en 1994.
A 62 ans et aujourd’hui retraité, il vote par anticipation pour « éviter les jeunes dans la queue, ils nous poussent ».
Comme beaucoup de ses concitoyens, il critique copieusement les trente ans de règne, sans alternance, du Congrès national africain (ANC) depuis la fin de l’apartheid. Mais il ne fait pas non plus confiance à l’opposition : « J’ai voté pour le diable que je connais, plutôt que pour les nouveaux diables dont on ne sait pas ce qu’ils pourraient apporter ».
Devant le centre de loisirs transformé en bureau de vote, des membres de l’ANC et de partis d’opposition, cantonnés chacun sous une tente, brandissent à qui mieux mieux T-shirts, casquettes et drapeaux à leurs couleurs lors d’ultimes opérations séduction.
«L’ANC sous pression»
Lulama Mayeki, 59 ans, a voté pour la première fois pour un autre parti car elle espère « un grand changement ». Elle veut croire à un nouveau gouvernement qui luttera « contre la criminalité, la pauvreté ».
Le week-end dernier, les principaux partis d’opposition ont tenu leurs derniers meetings, promettant à leurs sympathisants de détrôner l’ANC.
Depuis l’élection en 1994 de Nelson Mandela, le parti a remporté tous les scrutins nationaux à une très large majorité, obtenant 57% des voix en 2019. Mais l’ANC risque cette fois de perdre sa majorité au Parlement, oscillant entre 40% et 47% des voix dans les enquêtes d’opinion.
Les électeurs sont appelés à désigner 400 députés, à la proportionnelle via un système de listes, qui choisiront ensuite le président. Une cinquantaine de partis sont en lice. « L’ANC se présente au scrutin sous pression », explique à l’AFP l’analyste politique Steven Gruzd, « il y a beaucoup de mécontentement à l’égard de son gouvernement ».
Pendant trente ans, les électeurs ont été loyaux au parti qui a libéré le pays du régime de ségrégation raciale. Mais pour beaucoup, l’ANC qui avait promis l’éducation, l’eau, un toit et un vote à tous les Sud-Africains, n’a pas tenu ses engagements.
Le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, qui compte sur un second mandat, a inlassablement mis en avant les progrès apportés depuis la fin de l’apartheid aux 62 millions de Sud-Africains, en termes d’éducation, de lutte contre les violences faites aux femmes ou contre la corruption.
Mais un tiers de la population active reste au chômage. Pauvreté et inégalités s’accroissent. Et la première puissance industrielle du continent est plombée par des pénuries d’eau et d’électricité.
La multiplication des affaires de corruption impliquant des figures de l’ANC a aussi profondément entamé la confiance. En passant sous la barre des 50%, l’ANC serait contraint à nouer des alliances pour se maintenir au pouvoir et conduire des négociations autour de la formation d’un gouvernement de coalition.
AFP/Sahutiafrica