Le feuilleton autour de l’éligibilité de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma aux législatives du 29 mai à encore rebondi vendredi avec la décision de la commission électorale de saisir « en urgence » la plus haute cour du pays pour trancher sur le fond.
La commission électorale (CEI) explique son appel « urgent » à la Cour constitutionnelle par la nécessité d’apporter de la « clarté » sur l’éligibilité de M. Zuma, tête de liste d’un petit parti radical à ces élections, qui agite le monde politique sud-africain depuis des semaines.
Fin mars, l’IEC avait invalidé la candidature de M. Zuma, 81 ans, en s’appuyant sur la Constitution qui interdit aux personnes ayant été condamnées à plus de douze mois de prison de se présenter.
Jacob Zuma, président du pays entre 2009 et 2018, avait été condamné en 2021 pour outrage à 15 mois de prison ferme. Son parti avait saisi la justice pour faire annuler cette décision, en arguant qu’il n’avait purgé que trois mois en raison d’une remise de peine. Un tribunal électoral lui a donné raison mardi, sans expliciter sa décision.
Jacob Zuma est candidat sur la liste du petit parti radical récemment créée Umkhonto We Sizwe (MK, « Lance de la nation » en langue zouloue). Pilier historique du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 30 ans et la fin de l’apartheid, il avait créé la surprise en annonçant en décembre soutenir le MK.
Quelque 27,5 millions de Sud-Africains sont appelés aux urnes le 29 mai pour renouveler leur Parlement, qui désignera ensuite le prochain président.
L’ANC, embourbé dans les affaires et tenu pour responsable d’une économie plombée par un chômage endémique, une pauvreté et une inégalités croissantes, risque d’y perdre pour la première fois sa majorité parlementaire et d’être contraint d’ancien un gouvernement de coalition.
«Apporter une certitude»
Encore poursuivi pour corruption, M. Zuma avait été remis en liberté en 2021 moins de trois mois après son incarcération pour raisons de santé. La plus haute cour avait ensuite estimé qu’il devait retourner en prison, mais l’actuel président Cyril Ramaphosa avait finalement prononcé une remise de peine.
« La peine finale, suite à la remise de peine, est de trois mois », avait fait valoir l’avocat du MK, Dali Mpofu, lors d’une audience à Johannesburg lundi.
La commission électorale demande la plus haute cour, au vu de « l’intérêt public fort » sur le sujet, « d’apporter une certitude » sur l’interprétation du passage de la Constitution interdisant à des personnes ainsi condamnées de se porter candidats.
Cette « clarté » est essentielle dans le cas actuel de Zuma mais aussi « pour de futurs examens », argumente l’IEC. Elle tient à préciser qu’elle « n’a pas pour mais de s’immiscer dans le jeu politique », mais de « garantir des élections libres et équitables ».
- Zuma, qui reste populaire malgré de multiples scandales, multiplie les déplacements ces derniers jours. Il monopolise l’attention médiatique et les derniers sondages prédisent une percée du MK, qui n’a été enregistré comme parti politique qu’en septembre dernier.
Selon une étude du think tank sud-africain Social Research Foundation (SRF) publiée mercredi, le MK deviendrait la troisième force politique du pays, avec quelque 13% d’intentions de vote.
L’ANC ferait un plongeon vertigineux en ne réunissant que 37% des voix, contre 25% pour le premier parti d’opposition l’Alliance démocratique (DA).
L’ANC a multiplié récemment les recours contre le MK, notamment pour qu’il change de nom et de logo. MK était pendant la lutte contre l’apartheid le nom de la branche armée de l’ANC.
Le parti au pouvoir dénonce un « vol de propriété intellectuelle » et redoute que ce nom et l’identité visuelle du nouveau parti, empruntés à l’histoire héroïque de l’ANC, ne soient « susceptibles de tromper ou semer la confusion chez les électeurs ».
AFP/Sahutiafrica