« C’est plus que du basket » : qualifiés pour leurs premiers Jeux Olympiques, les basketteurs du Soudan du Sud sont « en mission » pour apporter un nouveau regard et rendre fier leur pays, accablé par le malheur depuis sa fondation en 2011.
Ils viennent des Etats-Unis, d’Australie, du Canada, certains sont nés dans des camps de réfugiés… Ils connaissent peu leur pays, né après eux alors que leurs parents avaient fui le conflit au Soudan (1983-2005) qui a mené à l’indépendance du Sud.
Mais cette « bande de réfugiés », comme se définit l’ailier fort Wenyen Gabriel, est déterminée à écrire l’une des rares pages heureuses de l’histoire du plus jeune pays du monde.
Depuis son indépendance, le Soudan du Sud a connu une guerre civile (2013-2018), dont les massacres et exactions à caractère ethnique ont fait 400.000 morts et des millions de déplacés. Il reste aujourd’hui miné par les violences politico-ethniques, la misère et la corruption, auxquelles viennent régulièrement s’ajouter des calamités naturelles (inondations, sécheresse…).
« Chaque fois qu’on met ce maillot, on sait qu’on ne joue pas seulement pour nous-mêmes, mais qu’il y a toute une nation, un pays derrière nous qui nous considère comme une lueur d’espoir, pour changer le regard des gens et apporter de l’optimisme au pays », soulignait en juillet le capitaine Kuany Kuany, dans un entretien à l’AFP durant la préparation olympique dans la capitale rwandaise Kigali.
« Il y a eu beaucoup de choses dans le passé, beaucoup de guerres, d’obscurité, mais il y a de la lumière pour l’avenir. Notre surnom est les +Bright Stars+ (« étoiles brillantes », ndlr) et représenter notre pays dans cette lumière, montrer que nous sommes tous unis est très important, bien plus que le basket », expliquait Wenyen Gabriel.
Aigles
Leur première participation à la Coupe du monde en août a suscité la ferveur au pays, où la vie s’arrêtait pour chacun de leurs matches. Leur parcours (3 victoires en 5 matches) leur a ouvert la porte des Jeux olympiques, que seuls cinq athlètes ont jusqu’à présent disputé sous la bannière du Soudan du Sud.
Cette compétition a révélé leur talent, au monde mais aussi à eux-mêmes. « C’était la première fois que nous jouions contre des équipes non-africaines. (…) Ça nous a montré que nous étions vraiment au niveau », explique Kuany Kuany.
Pour leur dernier match de préparation le 20 juillet, ils ont malmené les Etats-Unis, s’inclinant d’un point (101-100). Leur ascension a été météorique, du plus petit niveau continental à la plus grande des compétitions en à peine quatre ans.
Lors des premiers entraînements, « on s’entraîne dehors, avec des aigles qui volent au-dessus de nos têtes, il y a de l’eau sur le terrain, le terrain n’est pas plat, sous une chaleur énorme… », se souvient l’entraîneur américain Royal Ivey, arrivé en 2021 après douze années de joueur et entraîneur-adjoint ans en NBA. « Quand j’ai pris le poste, on n’avait pas d’attente particulière, pas d’objectif », souligne-t-il.
Luol Deng, le mentor
Un homme a été au coeur de cette réussite : Luol Deng. Lui-même réfugié, l’ancien joueur des Chicago Bulls, deux fois All Star (2012, 2013), a pris la direction de la fédération de basket en 2019.
Avec sa passion pour le Soudan du sud chevillée au corps, son charisme, sa connaissance du haut niveau et son propre argent, il a bâti, financé et même entraîné l’équipe avant l’arrivée de son ami Royal Ivey.
Il est parvenu à créer un collectif soudé par un même but, composé de joueurs évoluant aux quatre coins du monde (Australie, Chine, France…), incarné par les Carlick Jones et Wenyen Gabriel, passés par la NBA, ou le prometteur Khaman Maluach (17 ans).
« Nous jouons au basket, mais c’est plus que du basket », résume Royal Ivey : « Notre mission est d’unir le pays, de le rassembler et de l’aider à guérir. (…) C’est ce que nous faisons chaque fois que nous entrons sur un parquet ».
La diaspora sud-soudanaise est attendue en nombre à Lille pour soutenir leurs « Bright Stars », opposés aux Etats-Unis, à la Serbie et Porto Rico dans le « groupe de la mort ». « Je m’attends à de la folie », sourit Wenyen Gabriel, qui verra 13 personnes de sa famille se réunir en France : « Nous sommes un peuple très fier. Je suis sûr qu’ils vont remplir les tribunes, vous allez les entendre, c’est sûr ».
AFP/Sahutiafrica