Le gouvernement kenyan a retiré mardi de son projet de budget 2024-25 la plupart des nouvelles taxes impopulaires, notamment sur le pain et les véhicules particuliers, vivement communiquées par la population.
Un mouvement de contestation de ces impôts, baptisé « Occupy Parliament », avait été lancé ces derniers jours sur les réseaux sociaux, et mardi la police a dispersé une manifestation de quelques centaines de personnes à Nairobi, capitale de ce pays d’Afrique de l’Est.
Dans la matinée, les parlementaires du parti du président William Ruto (Kenya Kwanza), majoritaire au parlement, ont été réunis au palais présidentiel.
« Le projet de loi de finances a été modifié pour supprimer la TVA proposée de 16% sur le pain, sur le transport du sucre, sur les services financiers, sur les opérations de changement ainsi que la taxe sur les véhicules à moteur de 2, 5% », a annoncé dans un communiqué la présidence à l’issue de cette réunion.
Plusieurs autres taxes, sur les paiements mobiles ou encore sur l’huile végétale, ont également été supprimées du projet de budget. Le gouvernement estime ces mesures fiscales nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays dans un contexte économique difficile. Le Parlement doit débattre du texte remanié à partir de mercredi, en vue d’un vote avant le 30 juin.
« Nous allons nous retrouver au Parlement avec un (texte) qui vient de l’exécutif et qui a été impliqué par le législatif. Grâce à la participation de la population, le peuple kényan a eu son mot à dire », s’est félicité. M. Ruto.
Le gouvernement n’a pas précisé quelles seraient les sources de revenus alternatives à ces impôts, qui devaient abonder un budget prévoyant 4.000 milliards de shillings (29 milliards d’euros) de dépenses, un chiffre record dans l’histoire du pays.
«Pour mon avenir»
A l’appel d’organisations de la société civile, quelques centaines de manifestants pacifiques se s’étaient réunis mardi devant le parlement, des munis de pancartes réclamant « Ne nous imposez pas les impôts » ou confrontent Wiliam Ruto à « Zakayo », nom en langue swahili de Zachée, le collecteur d’impôts dans la Bible.
La police les a dispersées avec du gaz lacrymogène et des canons à eau. Au total, au moins une dizaine de personnes ont été arrêtées, a constaté un journaliste de l’AFP. Pour les manifestants, ce nouveau train de mesures portait un nouveau coup d’État pendant leur pouvoir d’achat.
Elu en août 2022, William Ruto, qui s’était fait le porte-parole des plus modestes durant la campagne électorale, avait déjà augmenté l’an dernier l’impôt sur le revenu et les cotisations santé et doublé la TVA sur l’essence.
« Je me bats pour mon avenir. Je me bats pour l’avenir de mes concitoyens et je me bats pour mon pays », a expliqué à l’AFP Wangari, étudiante de 23 ans venue exprimer sa « colère » : « Je veux m ‘épanouir dans ce pays. Avec de tels impôts, (…) je ne vois pas comment on peut construire une vie ».
« Je suis fatiguée. Tous les prix ont augmenté, la vie n’est plus abordable. Les légumes qu’on achetait à 5 shillings coûtent désormais 20 shillings », ajoutait Rara Eisa, sans emploi de 29 ans.
Marges de manœuvre
Dans un contexte économique plombé par la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, la politique du gouvernement de recherche de nouvelles recettes fiscales vise à « jeter des bases solides et protéger (la) reprise fragile pour une transformation socio-économique durable », avait défendu la semaine dernière le ministre des Finances, Njuguna Ndung’u.
« Le collecteur des ressources fiscales adéquates est un pilier essentiel de cette transformation et de cette croissance », avait-il ajouté, soulignant que le déficit budgétaire devrait être réduit à 3,3% du PIB, contre 5,7% pour l’exercice en cours.
Economie parmi les plus dynamiques d’Afrique de l’Est, le Kenya a enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants respectivement de 6,2% et 7, 8%, selon la Banque centrale.
La croissance du PIB devrait décélérer à 5% cette année, après avoir atteint 5,6% en 2023 (4,9% en 2022), selon la Banque mondiale. La dette publique du pays s’élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d’euros), soit environ 70% du PIB.
AFP/Sahutiafrica