De nouvelles manifestations antigouvernementales se déroulaient mardi au Kenya sous une étroite surveillance de la police, qui a dispersé à coups de tirs de gaz lacrymogène les tentatives de rassemblements dans le centre de la capitale Nairobi.
Lancée mi-juin sur les réseaux sociaux avec un fort écho au sein de la jeunesse, cette contestation contre le projet de budget du gouvernement instaurant de nouveaux impôts s’est transformée en un mouvement national de défiance envers le gouvernement.
La troisième journée de mobilisation du 25 juin a viré au bain de sang, notamment après que la police a été tirée à balles réelles sur la foule qui prenait d’assaut le Parlement. Le lendemain, le chef de l’Etat a annoncé retirer le projet de budget et s’est dit prêt à dialoguer avec la jeunesse.
Selon l’Agence officielle de protection des droits humains (KNHCR), 39 personnes sont mortes depuis la première manifestation le 18 juin. Human Rights Watch a fait état d’un bilan de 31 morts et d’un groupement d’ONG locales, dont la branche kényane d’Amnesty, de 24 morts.
Le président a, lui, évoqué dimanche 19 morts, estimant n’avoir « pas de sang sur les mains » et que la police « a fait de son mieux » pour maintenir l’ordre. Comme la semaine dernière, la « Génération Z » (jeunes nés après 1997) semblait absente mardi de la journée d’action dans la capitale Nairobi, malgré un nouvel appel à descendre dans la rue.
Dans le centre d’affaires (CBD) de Nairobi, de petits groupes de jeunes hommes tentaient de se former, immédiatement dispersés par les tirs de gaz lacrymogène des forces de l’ordre présentes en nombre.
Dans ce quartier, épicentre des manifestations précédentes, de nombreux commerçants avaient gardé leurs magasins fermés. Hors du CBD, des manifestants tentaient également de bloquer certains axes de circulation.
«Zakayo»
Des rassemblements de plusieurs dizaines de personnes se tenaient à Mombasa (est) et Kisumu (ouest), deuxième et troisième villes du pays et bastions de l’opposition, selon les images diffusées par la chaîne Citizen TV. Depuis la journée meurtrière du 25 juin, les appels à la mobilisation ont été diversement suivis par la jeunesse.
Jeudi, la « Génération Z » était largement absente d’une journée qui s’est résumée à des échauffourées entre des petits groupes et la police, certains tentant de s’en prendre à des commerces.
Dimanche, un rassemblement en hommage aux victimes a rassemblé quelques centaines de personnes, qui ont ensuite défilé pacifiquement en scandant « Ruto must go » (« Ruto doit partir ») et « Tuesday Holiday » (« mardi jour férié »).
Les manifestants ont surnommé le président « Zakayo » (Zachée en swahili), figure biblique du collecteur d’impôts.
Élu en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes, le chef de l’État a depuis pris des mesures d’austérité, créé et augmenté plusieurs impôts et taxes qui ont durement frappé le pouvoir d’achat des Kényans.
Ces mesures fiscales douloureuses sont nécessaires, selon lui, pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté. Les augmentations d’impôts prévues devraient permettre de financer l’ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d’euros) de dépenses, un record.
« Nous aurions dû mieux communiquer », a-t-il estimé dimanche. Retirer le texte aura « de très lourdes conséquences », at-il averti : « Cela signifie que nous sommes revenus presque deux ans en arrière et que cette année, nous allons emprunter 1.000 milliards de shillings » (7 milliards d’euros).
La dette publique du pays s’élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d’euros), soit environ 70% du PIB.
AFP/Sahutiafrica