Après deux ans et demi de combats et d’accords rompus, un cessez-le-feu annoncé mardi soir entre Kinshasa et Kigali dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) suscite peu d’espoir mercredi dans la région.
Obtenu par la médiation angolaise, ce nouvel accord vise à faire taire les armes à partir de dimanche dans le conflit opposant l’armée congolaise à la rébellion du M23 (« Mouvement du 23 mars ») qui, avec le soutien du Rwanda, s’est emparée depuis fin 2021 de vastes pans de territoire dans la province du Nord-Kivu.
Une demi-douzaine de cessez-le-feu et trêves ont déjà été décrétés, mais jamais respectés plus de quelques semaines. La France, la Belgique et l’Union européenne ont salué mercredi la signature de cet accord, en demandant à toutes les parties au conflit de « respecter » leurs engagements.
Mais à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu aujourd’hui encerclé par les rebelles et des unités de l’armée rwandaise, l’annonce suscite peu d’engouement. Nulle effusion de joie n’est venue troubler le ballet des motos et piétons qui circulent comme à leur habitude, sous un ciel chargé de nuages.
« Ça n’aboutira à rien. Le cessez-le-feu profite à l’ennemi. Les rebelles n’ont jamais respecté ces décisions de la communauté internationale », s’inquiète Trésor Tonde Mabala, étudiant à l’Université La Sapientia de Goma.
Trêve fragile
Une « trêve humanitaire » de deux semaines avait déjà été annoncée le 5 juillet par les États-Unis, puis prolongée de 15 jours, jusqu’au 3 août. Les combats ont baissé d’intensité depuis lors, mais des ONG soupçonnent les groupes armés d’en profiter pour se réorganiser en vue d’une reprise des affrontements.
« Les accords sont souvent violés par les parties au conflit car, au stade actuel, le M23 et l’armée rwandaise continuent de renforcer leurs positions », assure Georges Katsongo, président de la société civile du territoire de Lubero, dans le nord de la province, où le M23 n’a cessé de gagner du terrain ces derniers mois.
Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), soutenues par une coalition hétéroclite de groupes armés regroupés sous l’appellation « wazalendo » (« patriotes » en swahili), ont été incapables d’enrayer la progression des rebelles.
« Je suis d’accord pour que les hostilités cessent car notre armée s’est montrée faible devant l’ennemi. Nous continuons de perdre nos frères et sœurs dans cette guerre », déclare quant à lui Roland Kambale, habitant du quartier Mabanga Nord, à Goma.
« Si ce cessez-le-feu permet que le trafic reprenne entre Goma et le reste de la province, c’est une bonne idée, que je soutiens », ajoute-t-il. « Nous encourageons le processus pourvu qu’il puisse bénéficier à la population », déclare aussi Corneille Semakuba, membre d’une organisation de la société civile à Goma, qui appelle à « une paix durable », dans une région ravagée par 30 ans de conflit.
Populations «sacrifiées»
L’accord de cessez-le-feu annoncé à Luanda sera supervisé par un « mécanisme de vérification ad hoc », qui sera renforcé, a précisé le médiateur angolais. « Nous n’allons pas accepter cela. Nous appelons le peuple congolais de l’Est à résister », lance Patrick Paluku, membre du groupe de pression Véranda Mutsanga à Goma.
« Nous estimons qu’à partir du 4 août les Wazalendo ont le droit d’attaquer l’ennemi. Sinon les rebelles risquent de progresser », argue-t-il. Des centaines de milliers de déplacés s’entassent dans la capitale provinciale et ses environs, parfois à quelques mètres des positions du M23.
Ce cessez-le-feu « ne nous rassure pas », déclare un occupant d’un camp de déplacés, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles. « Ce qui pourrait nous rassurer, ce serait que les militaires rwandais se retirent de nos villages », dit-il.
« Que les autorités cessent de nous sacrifier », implore Kakule Musovoli, cultivateur à Kirumba, zone sous contrôle du M23, interrogé par téléphone de Goma. « Les gens meurent de faim ici et nos militaires nous tracassent. Que le gouvernement pense aussi à l’éducation de nos enfants », dit-il.
AFP/Sahutiafrica