L’appel à la protestation du Kenya est resté lettre morte, sauf affrontements isolés

Les Kényans ont largement ignoré l’appel de l’opposition à relancer les manifestations anti-gouvernementales jeudi, bien que des affrontements isolés aient éclaté dans la capitale entre la police et des manifestants lançant des pierres.

La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles réelles sur des manifestants dans le bidonville de Kibera à Nairobi, un bastion de l’opposition, ont constaté des journalistes de l’AFP, mais aucune violence n’a été signalée ailleurs contrairement aux manifestations précédentes.

Le chef de file de l’opposition, Raila Odinga, a appelé à trois jours de manifestations cette semaine, les manifestations de mercredi faisant six morts selon la section kenyane d’Amnesty International, qui a déclaré avoir recoupé le bilan avec les familles des victimes.

Depuis mars, 20 personnes sont mortes dans les manifestations, selon les chiffres publiés par le gouvernement et les hôpitaux, et les troubles ont alarmé les Kényans et la communauté internationale.

Le président William Ruto a réitéré jeudi son appel à l’arrêt des manifestations, affirmant qu’elles n’étaient « pas une solution aux problèmes des Kenyans ».

Odinga affirme que le gouvernement de Ruto est illégitime et responsable d’une crise du coût de la vie et a exhorté les Kenyans à se présenter en grand nombre jeudi, en tweetant : « La voix du peuple doit être entendue ».

Mais aucune manifestation majeure n’a été signalée jeudi, à part des accrochages à Kibera, où la police a affronté des manifestants, tandis que certains habitants armés de bâtons montaient la garde pour empêcher les cambriolages. « Hier, cinq magasins ont été pillés dans cette zone, nous sommes ici pour éviter que cela n’arrive aujourd’hui, nous en avons marre », a déclaré Jacob Anyango, 45 ans.

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Les écoles de Nairobi et des bastions de l’opposition de Kisumu et Mombasa ont rouvert, le ministère de l’Intérieur assurant aux Kényans qu’il avait pris « des mesures adéquates pour garantir la sûreté et la sécurité des apprenants ».

Le quartier des affaires de Nairobi, qui a été en grande partie fermé mercredi, a également repris le travail, avec la réouverture des magasins. « Le magasin a été fermé hier parce qu’il y avait beaucoup de tension, et nous avons senti que les gens pouvaient profiter de la situation pour piller », a déclaré le vendeur de téléphones portables Peter Wangui.

« Nous avons le sentiment qu’aujourd’hui, c’est plus sûr (…) mais ce n’est plus aussi animé qu’avant, les manifestations nuisent aux entreprises », a déclaré à l’AFP le jeune homme de 24 ans.

«Éteindre le feu»

La réponse de la police aux manifestations a suscité l’indignation des groupes de défense des droits. Amnesty a condamné jeudi « l’usage d’une force excessive, inutile et illégale, y compris la force létale ».

Opiyo Wandayi, chef de la minorité à l’Assemblée nationale, a également critiqué les autorités en déclarant : « La brutalité policière est alarmante et nous voulons que la communauté internationale en prenne note ». Les troubles ont suscité des craintes pour le Kenya, qui est considéré comme un phare de stabilité dans une région instable.

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Les principaux journaux ont publié jeudi un éditorial conjoint appelant Odinga et Ruto à tenir des pourparlers. Les deux hommes « se doivent à eux-mêmes et au peuple kenyan de se demander s’ils veulent plus de sang sur leurs mains », a-t-il ajouté.

« Les étincelles de la conflagration ont déjà été allumées, et c’est à eux deux qu’incombe la plus grande responsabilité d’éteindre le feu avant qu’il ne devienne incontrôlable ». « La nation se dresse sur un précipice », a-t-il averti.

«Main à la bouche»

Odinga a annulé les manifestations en avril et mai après que Ruto ait accepté de dialoguer, mais les pourparlers ont échoué. Les analystes ont déclaré que les manifestations ont accru la pression sur une population déjà aux prises avec une inflation galopante.

« Avec de nombreux Kenyans vivant au jour le jour, demander trois jours de manifestations (en) une semaine est trop pour eux », a déclaré Edgar Githua, maître de conférences à l’USIU Africa et à l’Université Strathmore de Nairobi. « Si ces manifestations continuent ainsi (…) et avec beaucoup de violence et de pillages, elles perdront de leur sens et même les dirigeants finiront par perdre leur crédibilité », a-t-il déclaré à l’AFP.

Les protestations de l’opposition après la défaite électorale d’Odinga en 2017 se sont poursuivies jusqu’à ce qu’il négocie un pacte surpris avec son ancien ennemi, l’ancien président Uhuru Kenyatta, connu sous le nom de « poignée de main ».

AFP/Sahutiafrica

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