4h15: dans une épaisse obscurité, des « paras » de la Légion étrangère et des militaires nigériens embarquent d’un pas lourd à l’arrière d’un avion de transport français C-130, lestés de dizaines de kilos d’équipement.
Dans la soute baignée de lumière verte, les visages sont concentrés. Quelques soldats parviennent à s’assoupir, tête posée sur leur sac ou leur casque lourd.
Après une heure de vol, les équipages annoncent d’une voix forte le décompte avant largage sur la région du Liptako nigérien, non loin de la frontière malienne. La sonnerie retentit, les portes latérales de l’appareil s’ouvrent, l’heure du saut a sonné.
« On ne s’arrête pas! », crie un officier alors que les paras se jettent dans la nuit noire à une cadence effrénée, emplissant le ciel de toiles beige. A la moindre hésitation du sauteur, un coup de coude du largueur vient régler la question.
En une minute à peine, les dizaines de militaires ont sauté sur les étendues sablonneuses du sud-ouest du Niger. L’avion brutalement vidé de ses passagers fait demi-tour, cap sur la base de Niamey. Au sol, l’infiltration de nuit va bientôt commencer.
Mission: reprendre une position militaire abandonnée non loin de la frontière malienne, où sévit le groupe Etat islamique au Sahara (EIS), à qui le départ des troupes françaises du Mali il y a un an a redonné de la liberté de mouvement.
Deux heures auparavant, un officier du 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP) prononçait un discours galvanisant devant ses légionnaires et les « paras » nigériens participant à l’opération aéroportée.
« C’est l’heure. Vous avez de la chance, vous allez faire ce que veut faire tout parachutiste: un saut dans la nuit sombre », tonne le commandant. « C’est comme ça qu’on a été élevés à Calvi (la ville corse qui accueille le 2e REP). C’est dur, mais c’est pas difficile! ».
« Pour vous aussi, les FAN (forces armées nigériennes, ndr), la mission va être dure. A cause de la chaleur, l’environnement, et parce qu’on ignore où sera l’ennemi. On compte sur vous pour nous aider », poursuit l’officier en souhaitant « un bon saut, la bagarre et la victoire » aux troupes d’assaut alignées devant lui.
«frapper les esprits»
Avec cette opération aéroportée au profit du Niger, « on veut frapper les esprits et montrer que les FAN peuvent utiliser la troisième dimension pour se déployer » afin de faire du contrôle de zone, explique l’officier.
Dans ce hangar couleur sable de la base française projetée de Niamey, sous une lumière crue, les 70 parachutistes, une quarantaine de légionnaires et trente Nigériens, préparent et vérifient leur matériel, sans autre bruit que le cliquetis des harnais.
Un instructeur français passe dans les rangs pour vérifier le harnachement des hommes. La trentaine de Nigériens, dont c’est le premier saut opérationnel avec un parachute français, sont contrôlés avec une minutie particulière.
« Ils ont obtenu le brevet italien l’an dernier. On a fait une remise à niveau sur parachute français, les deux sauts d’entraînement se sont bien passés », explique le lieutenant Dominique, du 2e REP. Il s’agit désormais de les former à sauter depuis un C-130, dont l’armée de l’Air nigérienne a reçu trois exemplaires américains.
Aider les forces armées nigériennes à monter en puissance, sans s’y substituer: c’est la nouvelle philosophie des partenariats de la France au Sahel, après neuf ans d’engagement au Mali où « on faisait trop à leur place », souffle un haut gradé.
Ce changement de paradigme et l’humilité qu’il exige ont infusé dans les discours tenus par les Français.
« Les Nigériens sont chez eux. Ils peuvent nous guider, nous renseigner sur la zone, parler avec les populations… On est là pour les appuyer », assure le capitaine Baptiste en enfilant son parachute d’un geste rôdé. Paré à sauter.
AFP/Sahutiafrica