L’ex-président du Mozambique Armando Guebuza a défendu jeudi, à la barre des témoins du procès du scandale de corruption de la « dette cachée », la décision de son gouvernement de contracter secrètement d’énormes emprunts bancaires ayant provoqué une grave crise financière.
En 2013 et 2014, trois entreprises publiques mozambicaines avaient emprunté en secret deux milliards de dollars (1,76 milliard d’euros) auprès de banques internationales pour financer des achats de navires de pêche et de patrouilleurs militaires.
La révélation en 2016 de cette dette publique, jusqu’alors tenue secrète par le gouvernement, avait conduit les bailleurs internationaux – dont le Fonds monétaire international (FMI) à se retirer du pays, l’un des plus pauvres du monde.
Privé de financement international, le Mozambique, ancienne colonie portugaise, a alors fait défaut sur sa dette et sa monnaie, le metical, s’est effondrée, provoquant la plus grave crise financière depuis son indépendance en 1975. Un audit indépendant mené par la suite a découvert que, sur les sommes empruntées, 500 millions de dollars de dollars avaient été détournés et restent introuvables.
« La décision de chercher des fonds a été prise par moi », a déclaré à la barre M. Guebuza, âgé de 79 ans. L’ancien président n’est pas inculpé dans cette affaire mais son fils aîné, Ndambi Guebuza, compte parmi les 19 accusés, tous des proches du pouvoir de l’époque, jugés pour chantage, faux, détournement de fonds et blanchiment. « Il y avait de fortes menaces contre le peuple et la souveraineté territoriale du Mozambique », a affirmé l’ancien président, chef de l’Etat de 2005 à 2015, qui sera le personnage de plus haut rang à témoigner dans ce procès.
Il a ajouté que les navires de surveillance étaient nécessaires pour combattre la piraterie maritime, l’immigration illégale et le trafic de drogue le long des quelque 2.500 km de côtes du pays. Le pays faisait aussi face à l’époque à la reprise d’attaques par l’ex-mouvement rebelle Renamo, devenu le principal parti d’opposition, a-t-il souligné.
« Les études avaient conclu que nous avions besoin de fonds », a assuré M. Guebuza, vêtu d’un complet gris et d’une cravate rouge sur chemise blanche, son fils en uniforme orange de détenu assis juste derrière lui.
Devant le tribunal spécial, installé dans une prison de haute sécurité de Maputo, l’ancien chef de l’État est apparu détendu, même lorsque son témoignage, retransmis en direct sur plusieurs chaînes de télévision du pays, a été interrompu par des coupures d’électricité.
En août dernier, Ndambi Guebuza, en détention depuis son arrestation en février 2019, a nié devant le tribunal avoir touché plusieurs millions en pots-de vin pour jouer les « facilitateurs » auprès de son père et le convaincre de signer des contrats avec le groupe de construction navale Privinvest, propriété du magnat franco-libanais Iskandar Safa et basé à Abu Dhabi.
Au cours de son témoignage jeudi, l’ancien président a aussi averti la Cour de ne pas s’attarder sur des détails concernant la défense nationale et la sécurité.
« Je pense qu’il y a eu trop de discussions autour de la question de la défense et de sécurité au sein de ce tribunal. Vous ne devriez pas faire cela. Nous devons défendre notre souveraineté », a déclaré Armando Guebuza.
La déposition de l’ancien président contredit celle faite le 10 février par son ministre de l’Intérieur à l’époque, Alberto Mondlane, qui a mis en cause des investisseurs étrangers qui, selon lui, auraient manipulé les contrats navals et seraient « parvenus à pénétrer l’un des domaines les plus importants de (la) sécurité » du pays.
Mais le lendemain, devant le tribunal, l’actuel ministre mozambicain des Finances Adriano Maleiane avait mis en cause son prédécesseur, Manuel Chang, dans la dissimulation des deux milliards de dollars de dettes hors des comptes publics.
Chang est détenu en Afrique du Sud depuis 2018, dans l’attente d’une décision sur une demande d’extradition déposée par les États-Unis.
La justice américaine veut le juger pour avoir utilisé le système financier américain pour commettre une fraude, dans le cadre de ce scandale également à l’origine de plusieurs autres procédures judiciaires en Suisse et au Royaume-Uni.
AFP/Sahutiafrica