Nous publions ce mardi 12 octobre la deuxième partie de l’interview exclusive avec Serge Bambara, artiste musicien et militant politique burkinabé connu sous le nom de Smokey, sur l’ouverture du procès de Thomas Sankara, leader de la révolution burkinabé. Il confie qu’il attend connaître la vérité sur les circonstances de l’assassinat de Thomas Sankara à l’issue de ce procès. Pour lui, ce procès doit être pédagogique pour permettre aux Africains de se réconcilier avec leur histoire. Mais aussi aux Burkinabé de retrouver la confiance à la justice de leur pays.
Au Burkina Faso, le procès de l’assassinat de Thomas Sankara s’est ouvert au Tribunal militaire de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Blaise Compaoré, ex-président en exil en Côte d’Ivoire depuis son éviction en 2014, est l’un des accusés principaux. Il doit répondre des faits de complicité d’atteinte à la sûreté de l’État, d’assassinat et de recel de cadavres. Sur les quatorze accusés, douze autres ont été à la barre lors de l’audience publique ce lundi 11 octobre. Le procès a été renvoyé au 25 octobre prochain, à la demande de deux avocates de la défense, qui ont demandé plus de temps pour consulter les pièces du dossier.
Sahutiafrica : Étant parmi ceux, qui se réclament héritier idéologique de Thomas Sankara, quel sentiment avez-vous de voir un tel procès ?
Smockey : Je ne me réclame de rien du tout. Je reconnais simplement les qualités d’un homme, qui s’est battu toute sa vie pour le continent africain, son indépendance et sa dignité. Il a même payé le prix suprême. Donc, c’est une occasion effectivement pour moi de respecter ce sens du sacrifice. Tout le reste après ce sont des chapelles politiques. Je n’en fais pas partie. Je suis un esprit libre. Je ressens effectivement de l’émotion. Puis, ce n’est que justice pour qu’on puisse enfin se pencher sur ces treize crimes. C’est un des dossiers le plus emblématiques de l’histoire du Burkina Faso. Mais ce n’est pas le seul. Je ne doute pas que ça puisse, si c’est correctement mené par ce Tribunal militaire, à déboucher sur l’ouverture d’autres crimes de sang et économiques, dont l’histoire du Burkina Faso est comptable.
SA : Le procès s’ouvre sans le président Blaise Compaoré, qui l’un des principaux accusés. Sa présence allait-elle changer quelque chose ?
Sm : Nous pensons que ça n’aura pas d’incidence sur le jugement. Mais ça peut avoir effectivement un incident sur la réalité de tous les faits qui se sont produits. Pour autant qu’il soit là ou pas, je pense que monsieur Compaoré, apparemment, a eu la disgrâce de ne pas se présenter devant la juridiction de son pays. Faut-il y avoir les signes qu’il ne croit pas, alors qu’il a lui-même contribué à sa mise en place. Je pense que c’est aussi un manque d’honneur. L’homme montre encore qu’il n’est pas suffisamment honorable pour faire face à la justice de son pays. Qu’à cela ne tienne, il peut être jugé par contumace. Il y a suffisamment de témoins. Il y a effectivement d’autres inculpés, qui peuvent mettre de conduire le procès jusqu’au terme.
SA : A ce stade, on peut dire que son extradition vers le Burkina Faso est vivement souhaitée ?
Sm : On n’est sans ignorer qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international. C’est uniquement sa nationalité ivoirienne, qui s’est rangée pour avoir, qui lui permet d’échapper à la justice de son pays. Donc, nous ne désespérons pas qu’un jour ou le temps le plus court possible qu’il puisse enfin être extradé. Et pour qu’on puisse voir clair dans cette affaire. Qu’il soit jugé. Que les Burkinabés attendent non seulement sa version sur cet assassinat de 1987, mais aussi sur tous les autres crimes. Il y a plus d’une centaine de crimes. Il y a eu aussi en dehors de la 4e République. Nous pensons que tous ces crimes ne s’arrêtent pas à la gestion du pouvoir par le front populaire. Tous les crimes doivent être élucidés.
Propos recueillis par Trésor Mutombo