Il ne faut pas seulement avoir quatre roues pour approvisionner une ville, voire une province en marchandises. Depuis des années, ce sont les transporteurs à deux roues, plus précisément les vélos, appelés « kumba kumba », qui transportent des produits de première nécessité à Lubumbashi, capitale de la province du Haut-Katanga, située dans le sud-est de la RDC.
Les vélos-taxis aux sièges rembourrés installés sur les porte-bagages roulent le long de la route, à la recherche des potentiels clients. Ils font concurrence aux autos dans la capitale du cuivre, transportant tout et n’importe quoi, des malades au bois de chauffage.
Le prix d’une course à vélo dépend de l’attente entre le pédaleur et le client. A Kamalondo, une de communes de Lubumbashi, Jean-Luc, père de famille et la trentaine révolue, charge une dizaine de bidons de 20 litres d’un hôpital pour une course payée 2.000 FC (1 Usd) cash. « Je me dirige au camp Vangu pour puiser ces bidons dans une citerne d’eau. Par jour, je me retrouve avec pas moins de 20.000 francs (10 Usd) dans ce métier », relate-t-il. Enseignant de formation, il dit que s’être retrouvé dans ce boulot pour le manque d’emploi persistant.
Chargés d’une marchandise qui peut peser 3 à 4 fois, leur propre poids, ces hommes, qui nourrissent des femmes et enfants, font des kilomètres parfois sous les pluies, et cela, pour des revenus dérisoires.
« J’ai appris ce boulot auprès de mon père qui me l’a légué comme héritage. Cela me permet de subvenir aux besoins de ma famille », dit Lambert, 57 ans. Mais il ne veut pas que son fils soit comme lui. Avec son vélo chargé de six sacs de charbon, il marche calmement à sa destination dont le trajet est de 7.000 fc (3,5 Usd) la course. Selon lui, son revenu journalier varie entre 35.000 ou 40.000 FC (près de 20 Usd).
Il est difficile et presqu’impossible de marcher dans la ville de Lubumbashi sans rencontrer les « Kumba kumba », qui traversent des villages pour rejoindre la ville. Ils pédalent et marchent. Les plus téméraires à pied, en tongs, les plus âgés aidés de bâtons de vieillesse. Les plus chanceux pédalent.
En équilibre sur leurs vélos, ou posés sur leurs têtes, des valises, des bassines, des calebasses, des régimes de bananes, des boîtes de tomates, des jerricanes d’eau, des centaines de cartons d’œufs, défient les lois de la pesanteur.
Sur l’échelle sociale, le pédaleur n’est guère mieux considéré que le va-nu-pieds, bien en dessous du motocycliste. Ces marcheurs ont une particularité dans cette ville : l’honnêteté. Gisèle Kazadi, femme d’affaires, en témoigne. « Ces pédaleurs sont toutefois sérieux dans leur métier. Nous leur confions nos marchandises pour aller les déposer à une destination bien attendue et nous sommes satisfaits du service rendu. Je n’ai jamais été victime de vol ou quoi que ce soit avec eux », confie-t-elle.
Tous les jours, Jeancy, la vingtaine révolue, roule sur le sol de latérite de Lubumbashi, cette poussière rouge qui s’échappe en poudre fine sur l’asphalte des routes bitumées et sur les sentiers des collines avant d’être surpris par des trombes de pluie tropicale.
« Je suis un diplômé d’état en littérature. La mort de mes parents m’avait réellement affecté et je me suis lancé dans ce métier qui me permet aussi de payer mes frais universitaires. Ce boulot m’a appris l’honnêteté et le sérieux dans le travail », indique-t-il.
Il nous fait savoir que les vélos sont confectionnés et vendus dans plusieurs coins de la ville comme à la Ruashi ou encore dans la commune de Katuba à des prix abordables.
A Lubumbashi, le vélo joue un rôle non moins important dans le secteur informel et surtout dans les milieux périphériques de la ville. Il permet à son propriétaire d’acheminer vers la ville de Lubumbashi des produits vivriers (maïs, manioc, haricots, légumes, etc.) ou non (charbon, bois de chauffage, etc.) achetés dans le milieu rural.
Fréquemment, il y a de plus en plus la présence des motos, communément appelé « Manseba » qui relègue davantage les vélos dans les zones périurbaines de Lubumbashi. Bref, le vélo est présent à Lubumbashi et il est utilisé par les différentes couches sociales. Son utilité diffère d’un milieu à un autre.
Depuis Lubumbashi, Ali Maliki