Le ciel n’est pas lourd. C’est mon corps qui l’est. Vingt heures de vol, c’est beaucoup. Heureusement que le périple : je connais. Kin, ah Kin, ma tendre Ville-monde, tes bruits, tes obscurités, tes gens, tes problèmes invraisemblables et vraisemblables me manquent tant.
Et pour te quitter voilà mon parcours : Luanda, capitale de l’Angola, que j’ai seulement vu de haut, mais cela m’a donné envie, envie de… je ne sais quoi. Je suis sûr que je reviendrai. Nous sommes un même peuple.
Doha, j’ai envie de dire tant de choses. Elles ne seront que belles, forcément, mais cela me pousse à poser cette question insolente : où était le Qatar en 1960, et où est la RDC en 2024 ? Il n’y a pas photo ! La seule image à capturer, c’est celle de la honte d’une classe politique qui échoue depuis 1960, convaincue qu’elle travaille pour un peuple qui ne vit même pas le un milliardième de son bien-être. Mais cela, on ne va pas l’écrire. Tout ce qui compte aujourd’hui, c’est de changer la constitution, et peut-être, comme par magie, le pays sera sur des bons rails.
Casablanca, pour être une ville, c’en est une ! C’est ma première impression. Le froid sur ma peau, caressé par le vent, me fait découvrir de nouvelles sensations. Pour moi, il fait vraiment frisquet. Le temps de quitter l’aéroport, un vrai aéroport pas comme là où on paye le Go pass depuis … (pardon je me suis promis de …). Donc le temps de quitter l’aéroport, des plaisirs visuels s’offrent à moi : routes, autoroutes, gens chaleureux et heureux, palmiers à foison — sûrement cela doit avoir une explication. Des voitures anciennes et modernes qui ne se toisent guère, des trains qui passent et repassent, et ces maisons qui, de loin, dégagent une chaleur réconfortante…
Séjour casablancais…
Pour moi, le Maroc, c’est une première fois, et pourtant, j’ai l’impression d’y avoir vécu mille vies. Peut-être ai-je connu ces lieux dans la vie de Mobutu, notre Homme-Léopard, un dieu pour nous. J’aimerais tant voir sa tombe. Je ne sais pas si je lui parlerai, ou si je resterai silencieux. Mais ce qui comptera, ce sera son silence, ce silence éternel face à un Zaïre perdu dans la mémoire blanche de l’histoire. Ce n’était pas un saint, c’est vrai. Comme chacun de nous, d’ailleurs. Mais grâce à lui, nous avons été fiers, un moment, dans notre pays. Être Zaïrois, c’était une raison de fierté, un motif de joie.
Mais arrêtons-nous là, Mobutu, c’est tout un patrimoine. J’irai lui parler sur sa tombe par mon silence. Pourquoi ne devrions-nous jamais parler à nos morts ? Je ne sais pas encore. Comme toujours, j’improviserai.
Sinon, nous sommes ici pour promouvoir la littérature : celle de l’enfance et celle de la jeunesse. Pour le compte des éditions Nzoi, nous exposons l’essentiel de nos productions littéraires, en accord avec l’idéologie de ce grand salon qu’est le SILEJ — Salon International du Livre Enfant et Jeunesse. Belle organisation, accueil chaleureux, ici, les gens sont gentils. Très gentils. Dans un monde où l’évolution déshumanise, chaque geste de gentillesse est précieux.
Nous sommes témoins d’un regard différent sur la culture. Dans d’autres pays, la culture est une chose sérieuse. Ils ne célèbrent pas cette fête seuls : leur gouvernement a mis en place les moyens pour que de nombreuses délégations se rencontrent, se découvrent, apprennent et travaillent ensemble. Cela réchauffe le cœur de voir une telle passion pour la culture.
Et en attendant que notre constitution change, nous espérons qu’elle inclura enfin une politique culturelle digne de ce nom, un statut pour tous les artistes. Vouloir cela, ce n’est pas demander la lune… Mais pourquoi le Sage se moque-t-il de moi ? N’avons-nous pas le droit de rêver ou d’espérer ? Maudit soit-il !
Christian Gombo, Ecrivain