Un tribunal sénégalais a condamné lundi l’opposant Ousmane Sonko à six mois de prison avec sursis lors d’un procès en appel pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour la présidentielle de l’an prochain.
Une partie de doute subsistait cependant lundi soir quant à l’effet de cette peine sur sa candidature au scrutin de février 2024.
Ousmane Sonko, 48 ans, troisième lors de la présidentielle de 2019, est commandé par le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang, pour « diffamation, injures et faux ». Il est par ailleurs visé depuis 2021 par une enquête pour violes présumées sur plainte d’une employée d’un salon de beauté de Dakar. Ce deuxième procès doit se tenir le 16 mai.
Le sort judiciaire de M. Sonko crispe la vie politique sénégalaise depuis deux ans, avec le flou entretenu par le président Macky Sall sur sa candidature à un troisième mandat controversé. Les rendez-vous de M. Sonko avec la justice sont une source de tensions chroniques.
L’opposant et les soutiens dénoncent ces procédures comme un complot ourdi par le camp présidentiel pour écarter un rival dangereux, populaire parmi les jeunes. Ses adversaires l’accusent d’instrumentaliser la rue pour échapper à la justice et de menacer l’équilibre du pays, rare îlot de stabilité dans une région troublée. Les textes en vigueur autorisent une radiation des listes électorales et donc une inéligibilité dans certains cas de condamnation.
Sonko avait été condamné en mars en première instance à deux mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA (300.000 euros) de dommages et intérêts. A l’époque, cette condamnation avait entraîné une confusion publique initiale quant à son effet sur l’éligibilité de M. Sonko. Ses avocats avaient assuré qu’elle était maintenue.
En appel et en l’absence de M. Sonko, la justice a durci la peine, confirmant les 200 millions de francs CFA de dédommagement, mais portant à six mois l’emprisonnement avec sursis. Le tribunal a aussi ordonné la publication de l’arrêt dans cinq quotidiens.
Zone grise
Me Baboucar Cissé, un avocat du détenu, a assuré devant des journalistes que cette peine rend M. Sonko inéligible si elle est maintenue. « Il a six jours pour se pourvoir. La conséquence de cette décision, si elle est définitive, c’est de l’exclure » des élections, a-t-il déclaré. Le porte-parole du parti de M. Sonko, Ousseynou Ly, ainsi que des supporteurs s’enverraient sur les réseaux sociaux ont aussi considéré que la condamnation empêcherait M. Sonko de concourir en 2024 si elle était avérée.
« C’est clair et net : Macky (Sall, le président) et sa mackystrature viennent d’écarter PROS », le président Ousmane Sonko, a écrit Ousseynou Ly dans un message. Les avocats de M. Sonko, présents au tribunal, sont partis sans s’exprimer et n’ont pas répondu aux interrogations de l’AFP.
La lecture des articles 29 et 30 du code électoral semblait pourtant encore laisser une place à la discussion, la zone grise se situant exactement sur le seuil des six mois avec sursis. Le procureur général Ibrahima Bakhoum avait requis contre M. Sonko deux ans d’emprisonnement dont une ferme et la délivrance d’un mandat d’arrêt.
Sonko a annoncé dimanche sur les réseaux sociaux sa décision de « ne plus fonctionner avec la justice » et dit qu’il ne répondrait plus aux convocations des juges sans garantie pour sa sécurité, invoquant les incidents qui ont donné lieu à ses déplacements au tribunal.
Depuis 2021, ses convocations ont provoqué des affrontements avec les forces de l’ordre. Au moins 12 personnes ont été tuées en 2021 lors de plusieurs jours d’émeutes, les troubles les plus graves connus depuis plusieurs années dans le pays.
La personnalité de M. Sonko divise. Son discours souverainiste, panafricaniste et social, ses diatribes contre les élites, la corruption et l’emprise économique et politique selon lui par l’ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion parmi les jeunes.
AFP/Sahutiafrica