Ce mardi 25 octobre, les manifestations ont commencé au Soudan pour marquer le 1er anniversaire du putsch et réclamer un gouvernement civil à même de sortir le pays de l’ornière, malgré la coupure de la connexion internet.
Il y a un an jour pour jour, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, rompait tous les engagements pris deux ans auparavant au Soudan, pays plongé dans une grave crise économique.
A l’aube, il faisait arrêter les dirigeants civils avec lesquels il avait accepté de partager le pouvoir quand, en 2019, l’armée avait été forcée par la rue de déposer l’un des siens, le dictateur Omar el-Béchir après trois décennies au pouvoir.
Depuis à chaque mobilisation contre le coup d’Etat, la connexion internet est interrompue, comme cela est de nouveau le cas mardi.
« Malgré tout, des centaines d’élèves et d’étudiants sont sortis à Atbara », a indiqué à l’AFP Adel Mohammed, un résident de la ville située à 350 km au nord de Khartoum.
Sous des drapeaux soudanais, ils ont scandé : « Les militaires à la caserne » et « Le pouvoir au civil ».
La veille au soir, des cortèges sont sortis dans Khartoum, ses banlieues et plusieurs villes pour appeler à la mobilisation. En prévision, le gouvernorat de Khartoum a décrété une journée chômée dans l’ensemble des administrations et des écoles.
Depuis un an, les manifestants et militants prodémocratie bravent chaque semaine la répression. En un an, 118 protestataires sont morts en réclamant le retour au pouvoir des civils, condition sine qua non pour la reprise de l’aide internationale interrompue en rétorsion au putsch.
Pas le luxe
Car la situation économique du pays, l’un des plus pauvres au monde, est catastrophique.
Entre inflation à trois chiffres et pénuries alimentaires, un tiers des 45 millions d’habitants souffrent de la faim. C’est 50% de plus qu’il y a un an, souligne le Programme alimentaire mondial (PAM).
« Le prix du panier alimentaire minimum a augmenté de 137% en un an, forçant quasiment tous les foyers à consacrer plus des deux tiers de leurs revenus à la nourriture », ajoute le PAM.
Outre les conditions de vie difficiles, de nombreux Soudanais s’inquiètent, trois ans après la « révolution de 2019 », du retour de la dictature islamo-militaire.
Car depuis le putsch, plusieurs fidèles de M. Béchir, aujourd’hui en prison, ont retrouvé leurs postes, notamment à la Justice qui mène actuellement le procès de l’ex-président.
Le pays nage dans l’incertitude. Aucun observateur n’imagine possible la tenue des élections promises à l’été 2023, aucune figure politique ne semble jusqu’ici prête à rejoindre le gouvernement civil régulièrement promis par le général Burhane et les médiations internationales et feuilles de route proposées localement n’ont pas abouti.
« Le Soudan n’a pas le luxe de se permettre des jeux à somme nulle et des manœuvres politiques », a souligné Volker Perthes, l’émissaire de l’ONU au Soudan. « Les acteurs politiques doivent mettre leurs différends de côté et se concentrer sur l’intérêt des Soudanais ».
Vendredi dernier, des milliers d’entre eux ont pris la rue pour commémorer le 58e anniversaire de la première « révolution » ayant renversé un pouvoir militaire. Une gageure dans un pays à l’histoire rythmée par les coups d’Etat et quasiment sans discontinuer sous la coupe de généraux.
Conflits meurtriers
Dans leurs appels à manifester, les militants promettent que « les défilés du 25 octobre seront l’annonce de la fin de l’ère des putschistes, sans possibilité de retour, l’annonce de la constitution d’un Soudan civil et démocratique ».
Lundi 24 octobre, les ambassades occidentales ont appelé « les autorités à respecter la liberté d’opinion et le droit de rassemblement pacifique ». Et surtout à « ne pas utiliser la force, dans un communiqué « condamnant la mort d’un manifestant dimanche ».
Avec les forces de sécurité mobilisées pour les protestations, les experts estiment que le vide sécuritaire a laissé prospérer les conflits tribaux dans plusieurs régions. Ces combats à l’arme automatique généralement pour l’accès à la terre et à l’eau ont fait depuis le début de l’année près de 600 morts et plus de 210.000 déplacés, selon l’ONU.
Plusieurs milliers de Soudanais ont manifesté au Nil Bleu (sud), où « 250 personnes ont été tuées » la semaine dernière dans de nouveaux combats tribaux.
AFP/Sahutiafrica