En annonçant une prolongation de quinze jours de la trêve humanitaire au Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, Washington entend faire avancer les pourparlers pour une désescalade entre Kinshasa et Kigali.
Déjà, il faut une rencontre entre le président Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, réélu pour un quatrième mandat avec 99,18% des voix. Les deux chefs d’Etat sont en froid depuis la résurgence de la rébellion du M23. Faire avancer les initiatives diplomatiques entre les deux pays, en brouille, ramène à la surface le processus de Luanda, qui bat pourtant de l’aile.
Discussion autour d’une stable
La question avait été évoquée par le président João Lourenço, médiateur dans cette crise, lors d’une visite à Abidjan fin juin dernier, arguant être convaincu que « la seule issue est de tenter de résoudre ce conflit autour d’une table de négociation ». Le processus de Luanda est soutenu par Washington et l’Union africaine.
« On a suivi le médiateur Lourenço lorsqu’il était de passage en Côte d’Ivoire. Il y a fait allusion. Mais le lendemain, Judith Suminwa, Première ministre, l’a contredit, disant que la RDC n’envisage pas des pourparlers avec Kagame à moins qu’on ne revienne sur le processus de Luanda qui avait pour préalable le retrait effectif du soleil congolais de tous les éléments rwandais. Je dirai que cette éventualité est de plus en plus en train de s’éloigner », décrypte Henry-Pacifique Mayala, coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST). KST est un projet conjoint du Groupe d’étude sur le Congo (Gec-Ebuteli), Huamin right watch et Bridgewa.
Posture offensive
Pourtant, le récent rapport des experts onusiens semble avoir jeté un peu de l’huile sur le feu. Selon ce document, entre 3000 et 4000 militaires de l’armée rwandaise sont déployés dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, où ils mènent des opérations aux côtés du M23. Le Rwanda a doté les combattants du M23 de véhicules blindés équipés de radars et de missiles sol-air.
Aussitôt publié, Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, a réagi, affirmant que « le Rwanda continuera à se défendre, car il prend très au sérieux les menaces du président congolais de déclarer la guerre au Rwanda ». Il accuse l’armée congolaise de collaborer avec les rebelles FDLR.
« Le Rwanda n’a pas démenti. Le Rwanda n’y va plus avec la gueule de bois avec la déclaration du porte-parole du gouvernement rwandais ou même celle du président Paul Kagame. Il faut malheureusement que nous avons d’une certaine façon fait le lit au Rwanda à pouvoir, aujourd’hui, disposer d’un narratif. Nous avons vu pendant la campagne électorale comment est-ce que tous ces discours nationalistes d’appel à la guerre ou déclaration minima de la guerre ont pris de l’espace au sein de l’opinion congolaise. Cela ne devrait pas passer inaperçu », commente Henry-Pacifique Mayala.
Pourtant, Kinshasa a brandi sa communication, interdisant toute collaboration entre les officiers congolais et ce mouvement rwandais. En ce qui concerne la rencontre, le président Paul Kagame a affirmé lors d’une interview à RFI n’avoir jamais posé des conditions pour rencontrer son homologue congolais.
Mais les relations entre les deux pays ne cessent de se crisper. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais, qui appelle à des sanctions sévères contre Kigali après le nouveau rapport d’experts onusiens, est clair. « Pour nous, le cadre prévu pour discuter de ce sujet ce Luanda, où nous avons une feuille de route depuis novembre 2022. Les tâches de chaque partie sont connues. Fort malheureusement, nous savons ceux qui ne viennent pas », a-t-il déclaré à TV5, accusant de vouloir profiter de la situation actuelle pour continuer le pillage de ressources de la RDC.
Voie pacifique
Malgré la première trêve annoncée par Washington, les armes ont continué de résonner dans le territoire de Masisi, où les rebelles du M23 sont accusés d’avoir tué près de treize personnes dans des bombardements entre lundi et mardi. Huit autres ont été blessées. C’était lors de combats avec l’armée congolaise à Bweremana. Cette fois, les Etats-Unis disent suivre de près les allégations de la violation de la trêve humanitaire.
Pour Henry-Pacifique Mayala, l’insécurité dans l’est de la RDC est aussi une menace d’instabilité pour toute la région des Grands lacs. « Si les efforts devraient être mis en commun, il faudra qu’à un certain moment, le Congo et le Rwanda puissent comprendre que les dividendes de la paix sont mutuellement bénéfiques aux deux pays », prône le coordonnateur de KST.
Trésor Mutombo