L’armée soudanaise se retrouve lundi en difficulté sur plusieurs fronts : à Khartoum, les paramilitaires lui ont ravi le QG de la police et son arsenal et dans le sud qui borde l’Ethiopie, un groupe rebelle ouvre un nouveau front contre elle.
Dimanche soir, après deux mois et demi de guerre contre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) annonçaient dans un communiqué une « victoire dans la bataille pour le QG de la police ».
Et lundi matin, des habitants de Kurmuk, sur la frontière avec l’Ethiopie, rapportent à l’AFP qu’un groupe rebelle a lancé une attaque contre l’armée. Ce même groupe avait déjà ouvert jeudi un nouveau front au Kordofan-Sud, frontalier du Soudan du Sud, obligeant déjà l’armée à répondre sur différents fronts, tous dans le sud.
Or, décrypte pour l’AFP un ancien officier de l’armée sous couvert d’anonymat, la prise du QG de la police –en bordure sud de la capitale– change radicalement cette donne.
« Nous contrôlons totalement ce QG (…) et nous avons saisi un grand nombre de véhicules, d’armes et de munitions », affirment les FSR, énumérant la prise de dizaines de pick-ups, de blindés et de chars.
Contrôle et menace
Cette prise, si elle n’est pas renversée, « aura un impact important sur la bataille de Khartoum », assure l’officier car elle « garantit le contrôle de l’entrée sud de la capitale » aux FSR.
La présence des paramilitaires dans cette zone constitue en outre « une menace sérieuse sur le QG du corps blindé mécanisé », l’un des grands atouts de l’armée dans le sud de Khartoum, poursuit l’ancien officier.
Et même si les FSR venaient à perdre cette position stratégique, les vidéos diffusées par leur propagande montrent leurs hommes s’emparant d’importants stocks d’armes et de munitions, l’assurance de pouvoir poursuivre encore longtemps la guerre d’usure lancée le 15 avril.
Depuis cette date, les paramilitaires n’ont jamais annoncé leurs pertes. Mais selon une source au sein de l’armée, elles ont perdu « plus de 400 hommes » dans la prise de ce QG.
L’ONG Acled recense plus de 2.800 morts dans la guerre au Soudan, un bilan largement sous-estimé car aucun des belligérants n’a rendu publiques ses pertes et de nombreux corps jonchent encore les rues de Khartoum ou du Darfour, vaste région de l’ouest frontalier du Tchad, où les affrontements sont les plus violents.
Dimanche encore, « 14 civils, dont deux enfants ont été tués » aux abords du QG de la police, rapporte un réseau de militants qui tentent d’organiser les secours et les évacuations vers les rares hôpitaux encore en fonctionnement dans la zone.
En outre, « 217 blessés sont arrivés, dont 72 dans un état critique et 147 ont été opérés » après avoir été touchés par « des balles perdues, les raids aériens ou les tirs croisés de roquettes » au cœur de quartiers résidentiels, poursuit ce comité de militants.
«Roquettes sur les maisons»
Depuis le début de la guerre, deux tiers des établissements de santé sont hors service: certains ont été bombardés, d’autres sont occupés par des belligérants ou au cœur des combats. Ceux restés ouverts doivent composer avec des réserves de médicaments quasiment à sec, de longues coupures d’eau et d’électricité et des soignants ayant fui ou ayant été emportés par la guerre.
Les combats se poursuivent également à Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud, où au moins 12 civils ont été tués dimanche, selon un médecin qui là encore prévenait que de nombreux blessés et morts n’étaient pas recensés tant la violence des combats empêchait les déplacements.
Dans la nuit, des habitants de Nyala ont fait état de tirs intenses de l’artillerie. « Des roquettes tombent sur des maisons de civils », a rapporté l’un d’eux à l’AFP.
Chaque jour, de nouveaux déplacés fuient les combats, mais aussi les violences sexuelles et les pillages devenus légion. En tout, plus de 2,5 millions de personnes ont quitté leur maison. Plus d’un demi-million ont traversé des frontières, principalement vers l’Egypte, au Nord, et le Tchad à l’ouest, selon l’ONU.
AFP/Sahutiafrica