…pour mieux voir Moanda, cette ville-fleuve, ville-océan, oui Moanda, ville-poisson, ville-crabe, ville-crevette, ô Moanda ville-pétrole, ville-plage, ville-sable, sable mouvant, sable riant, sable coulant, sable croulant, ô Moanda, ville-vent, vent du fleuve, vent de l’océan, vent du souffle des entrailles de la terre, vent du pétrole qui empeste partout, je reviendrai…
…la marmite des esclaves…
…je reviendrai te voir, je reviendrai me voir, je viendrai te revoir, je viendrai me revoir, partout où je serai tu es, et tu seras désormais parce qu’on ne peut oublier « La marmite des esclaves », on ne peut oublier cette maudite marmite que les eaux ont ramené au large pour nous rappeler notre histoire, une histoire trop mal racontée, une histoire qui ne nous a jamais rendu fières parce que racontée pour nous diminuer, parce que racontée pour nous blesser dans la mémoire, dans le cœur et surtout dans notre entrejambe collectif…
…la marmite des esclaves…
…la marmite des esclaves, marmite qui servait pour la nourriture des esclaves, à cette époque-là, leur nourriture était déjà moins agréable que la nourriture de plusieurs chiens du monde qu’on ne peut plus manger même quand ceux-ci sont devenus humanivores, oui, dans la vie, il faut protéger les faibles et les ignorants, et les chiens sont des faibles et des ignorants, ce sont des animaux domestiques, voilà pourquoi ils doivent être protégés pendant que bien de congolais ne mènent même plus une vie de chien…et Dieu seul sait si jadis cette marmite a servi à préparer aussi le chien en public…
…la marmite des esclaves…
…il aurait chaviré avec un navire anglais jadis près des côtes de Moanda et depuis, on le garde, on le regarde, et depuis on espère que cela blessera notre fierté pour nous aider à mieux faire, et depuis, notre fierté se blesse encore et encore, on éjacule du sang à chaque rapport sexuel avec la bêtise mais cette hémorragie ne tue pas la bêtise congolaise, la preuve, cette marmite existe bel et bien quelque part dans le pays, mais son histoire interroge qui ? Pas moi… surtout pas moi, cela parce que je ne sais plus manger du chien, mais n’importe quel chien peut manger et même dévorer mon avenir et surtout mon devenir… Quelle chienne de vie !
Christian Gombo, Ecrivain