Comment font les motards à Kinshasa, capitale de la République, pour circuler au centre ville de la Gombe? Circuler à la Gombe est interdit aux motards. Les conducteurs ont trouvé le mot de passe et récupèrent sur les clients. (Reportage de Hana Kele à la Gombe).
« Moto! Moto! ». Ce cri fréquent est entendu à Kinshasa depuis que les « wewa », taxis-moto, venus de l’intérieur du pays, notamment du Kasai, squattent les rues de Kinshasa avec leurs motos au coin des artères principales.
Soleil de plomb. Un motard s’arrête dès qu’il entend l’appel d’un client. « Déposez-moi à la place royale… vers la direction générale des douanes et accises ? » C’est à la Gombe sur le boulevard du 30 juin.
En montant, Aminata, la cliente, se renseigne sur le prix de la course. 2500 Fc lui dit le motard, Papy. « Eh ! Mais c’est cher » se plaint Aminata.
« C’est le prix ici à Gombe, réplique le motard. On nous arrête tout le temps ici au centre-ville. Nous payons beaucoup d’amendes. Je ne peux pas rouler pour un tarif comme à la Cité ».
Désaccord. La moto continue sa route sur le boulevard du 30 juin. Principale artère de la Gombe, quartier des affaires.
Croisement avenue du 24 novembre et Boulevard du 30-juin. Un motard et sa cliente prise depuis la gare centrale, à plus de 5 km, s’arrêtent au feu rouge. Un agent de la police en tenue civile surgit devant la moto… La cliente accompagnée de son ami perchés derrière le motard n’ont rien vu venir. « Non mais pourquoi il fait ça ? Il peut se faire tamponner ? » dit Aminata en rouspétant lorsque l’agent les a laissé passer.
« C’est toi qui n’as rien compris madame » dit le motard. « Je lui ai donné le mot de passe ». C’est un agent de l’inspection provinciale de la police de Kinshasa.
Mot de passe?
« Quel mot de passe ? » demande la cliente.
« C’est la magouille des services de l’inspection de la police, Madame… C’est eux-mêmes qui nous ont donné ce mode de fonctionnement … ». Tous les matins nous les motards du centre-ville nous allons à la Direction Provinciale de la police de Kinshasa payer de l’argent qui entre dans les poches des chefs de la police. 10.000 francs congolais par jour… Nous nous cotisons en groupe de 10, en raison de 1000 Fc par tête. Ensuite un d’entre nous nous ramène le mot de passe » raconte le motard. Nous n’avons pas pu vérifier l’authenticité de cette information auprès de la police.
« Mais c’est très intelligent », s’étonne Aminata. « Ils nous rançonnent alors que nous ne gagnons pas grand-chose. Voilà pourquoi nous faisons aussi tourner notre intelligence… », explique le motard.
À Kinshasa personne ne réclame. Tout le monde s’adapte. Avec des pots de vin. Tous les jours et pour tout. L’essentiel est de trouver son compte au lieu d’aller porter plainte pour corruption. Selon Papy le motard, déposer plainte c’est encore aller jeter de l’argent pour rien, « parce que l’État ne condamnera jamais une autorité dans ce pays ».
Hana Kele