Interview avec un politicien congolais dénommé « On n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces » alias « Est-ce que tu me connais ? Je vais te montrer qui je suis et tu vas mal sentir ce pays, même si tu décides de vivre sous terre, vivant ou mort » :
– Comment faites-vous pour continuer à construire autant de parcelles pendant que le pays est en guerre ?
– Qui ça, nous ?
– Vous, les politiciens, les religieux, les étrangers, même Dieu qui n’en finit plus d’avoir des maisons au pays alors qu’il y a presque partout des sans-abris et surtout des sans-habits. Satan aussi, car aujourd’hui, lui non plus ne se cache plus. Partout, il y a maintenant des loges, ce qu’on cachait avant, devenu exagérément visible à tel point qu’on ne sait plus à quel saint confier son urine blanche. Bref, tout ce monde-là, sans compter ceux qui ont un, deux, trois, quatre, voire même cent salaires de l’État congolais, alors que le pays entier et son gouvernement doivent cotiser pour aider des militaires, policiers et braves jeunes gens qui défendent la patrie au prix de leur vice… parce que c’est un vice de servir et mourir pour la patrie dans le bénévolat.
– En passant, vous m’avez vu construire une nouvelle maison ?
– Non, non, mais dernièrement, on a vu une de vos résidences être démolie…
– C’est vrai ça ?
– Vous n’êtes pas au courant qu’une de vos villas luxueuses a été démolie après que vous ayez acquis la villa qui suivait la vôtre ?
– Ah, vous parlez de cette résidence secondaire-là…
– Oui, nous parlons de cette villa-là…
– (Il fait une mine de chat battu et abattu) Oh, visiblement, vous ignorez beaucoup de choses…
– Allez-y, éclairer nos lanternes…
– (Toujours dans son élan de tristesse) Mon frère, la guerre, ce n’est pas une bonne chose, vous savez. (Il tourne encore sa langue avant de poursuivre) En effet, la petite maison dont vous faites allusion a été bombardée, ainsi que la parcelle voisine. Heureusement, que moi et mon voisin ne gardions que nos habits, chaussures, quelques petites voitures… bref, je vous épargne des détails, un obus a tout rasé et après les enquêtes, ça venait de l’Est…
– (Ébahi) De l’Est ?
– (Gardant son sérieux dans sa tristesse) Oui ! Une bombe venue de l’Est, sûrement un drone téléguidé, et je suis la seule victime, moi et mon voisin, bien évidemment. Alors ce dernier, pour quelques cacahuètes, m’a vendu sa parcelle car il a compris qu’être mon voisin n’est pas chose aisée. Avec beaucoup de peine, j’ai repris sa concession et…
– Donc, vous voulez nous dire que des bombes venues de Goma et Bukavu peuvent arriver à Kin ?
– Hélas, oui, mes chers amis. Mais n’ébruitez pas cela, ça peut faire peur. Déjà, nous sommes en posture d’une riposte rigoureuse et des choses comme ça n’arriveront plus. Le gouvernement a pris des mesures…
– Oui, mais pourquoi seulement votre maison et pas…
– Belle question, et c’est la même question que je me pose aussi, mais vous savez, nos hautes fonctions nous exposent plus en premier, et c’est avec courage que j’affronte cette épreuve parce que je le fais pour le peuple congolais.
– C’est ça, tu nous en diras tant (cette dernière phrase, nous ne l’avons pas prononcée. Nous l’avons pensée seulement et c’est comme ça que nous sommes rentrés encore une fois de plus la queue entre les jambes, alors qu’avec ce scoop, on allait… soit… mes pensées parlent déjà trop.)
Christian Gombo, Ecrivain

