Tchad : la crue des fleuves Chari et Logone menace des quartiers de N’Djamena

A la confluence des fleuves Chari et Logone, des habitants de N’Djamena tentent de s’organiser face à la montée inexorable des eaux, alimentée par les pluies diluviennes qui ont fait 576 morts et 1,9 millions de sinistrés au Tchad depuis juillet.

 

« La crue a emporté certaines maisons, du bétail, et inondé nos cultures », déplore Timons Fayaba Faba, un habitant du quartier de Tougoudé venu se réfugier dans un camp improvisé à l’abri d’une digue, dans le sud-est du 9e arrondissement pris en tenaille entre les deux fleuves.

 

Comme des dizaines de familles, lui et les siens ont fui il y a quatre jours leur quartier envahi par les eaux du Logone, désormais uniquement accessibles en pirogue.

 

Ils ont trouvé refuge sous des abris construits à la hâte avec des branches, des sacs de riz et des tissus. Les terres au sud de la digue sont complètement immergées.

 

« Nous manquons de tout, nous n’avons plus de nourriture et nous ne pouvons pas compter sur la prochaine récolte, détruite par l’inondation. Nos enfants ne vont plus à l’école et nous n’avons pas même de quoi nous protéger des prochaines pluies et des moustiques », se lamente l’homme de 59 ans, les yeux cachés derrière des lunettes teintés.

 

Autre sujet d’inquiétude : selon lui, des hippopotames s’approchent de la digue jouxtant le campement. « Ils essaient de monter sur le remblai. Ils pourraient le détruire », craint-il. Il faut donc les chasser en leur lançant des pierres.

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Les eaux du Chari, qui rejoignent à N’Djamena son affluent le Logone, ne cessent de monter et ont atteint mercredi un niveau record de 8,18 mètres, selon les mesures. « Chaque minute est précieuse », a averti le Premier ministre Allah-Maye Halina lors d’une réunion de crise mercredi.

 

Manque de moyens

 

Le dernier niveau record du Chari, à 8,14 mètres, remonte au 13 novembre 2022, alors que le pays connaît les plus fortes et les plus meurtrières depuis le début des années 1960, selon les données du bureau de l’ONU pour les affaires humanitaires (Ocha) au Tchad.

 

Au niveau national, intempéries et inondations affectent plus de 10% des habitants de cet immense pays désertique d’Afrique centrale, selon le bilan publié début octobre par l’Ocha, dénombrant 576 décès.

 

« Je me lève en pleine nuit pour vérifier que l’inondation ne progresse pas davantage. Si c’est le cas, je remplis des sacs de sable pour renforcer la digue qui protège encore ma chambre », explique Silas Diokouné, 65 ans, un habitant de Walia, un des quartiers les plus pauvres de N’Djamena, dans le nord du 9e arrondissement.

 

Appuyé de tout son poids sur sa canne, le pas pénible, cet homme s’affaire devant le tas de sacs de sable qui fait office de barrage à l’intérieur de sa cour. Les eaux ont déjà envahi une partie de la résidence, des petits bâtiments en briques de terre rouge commencent à s’effondrer.

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Une dizaine de centimètres séparant encore les eaux du fleuve du haut de la digue, la maison abandonnée de son voisin sert désormais de rempart.

 

« On se sent abandonnés, il n’y a que la +Jeunesse active du 9e+ qui est venue nous aider en nous distribuant des sacs et des pelles », ajoute le sexagénaire. Les bénévoles de cette association sillonnent les quartiers inondés pour aider la population. Ils surveillent l’état de la digue établi en quelques mois l’an dernier.

 

Au moindre signe d’infiltration, ils utilisent un sifflet pour mobiliser le voisinage, remplir des sacs de sable et colmater les brèches. « Plus de 5.000 sacs nous ont été donnés, et nous les avons tous redistribués là où le besoin était le plus urgent », détaille Ezéchiel Minnamou Djobsou, le coordinateur-adjoint de la Jeunesse active du 9e.

 

L’association a acheté des pelles avec des dons et reçu en prêt deux 4×4 et huit motos. « Nous avons encore besoin de 15.000 sacs supplémentaires », de pirogues pour accéder aux zones inondées, il faudrait aussi « des motopompes, des bâches, des pioches, des pelles et des brouettes », souligne le bénévole de 33 ans.

 

Entre destructions et prise en charge des victimes, les besoins au Tchad sont évalués à 129 millions de dollars (118 millions d’euros) et sont pour l’heure couverte à environ 15%, selon l’Ocha.

 

AFP/Sahutiafrica

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