Longtemps centrée sur l’agriculture et notamment la production de cacao, l’économie ivoirienne se tourne ces dernières années vers les richesses de son sous-sol avec la découverte d’importants gisements de pétrole et de gaz mais aussi de plusieurs minerais.
En à peine trois ans, la Côte d’Ivoire a basculé dans une nouvelle dimension: celle d’un potentiel producteur de pétrole et de gaz. Trois découvertes de gisements, en septembre 2021, juillet 2022 et février 2024, dont les réserves sont estimées à 6 milliards de barils, font miroiter au pays de devenir exportateur net de pétrole brut d’ici la fin de la décennie.
Le premier, baptisé « Baleine », est déjà entré en exploitation, via la société italienne ENI, et devrait pouvoir fournir 150.000 barils par jour d’ici 2027 et 200 millions de pieds cubes (environ 5,7 millions de mètres cubes) par jour de gaz.
Si on ignore le montant qui reviendra dans les caisses de l’Etat ivoirien, les autorités se félicitent de cette nouvelle manne. « Notre pays pourra intégrer s’il le souhaite l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) », prédit le ministre des Mines, de l’Energie et du Pétrole, Sangafowa Coulibaly. Mais le sous-sol marin n’est pas le seul à être exploité ces dernières années en Côte d’Ivoire.
Le nombre de permis et projets d’exploitation minières en cours a triplé entre 2012 et aujourd’hui – de 9 à 28 – et celui de permis de recherche est passé de 120 à près de 200 sur la même période. Et le ministre Coulibaly d’assurer que les recettes fiscales générées sont 20 fois supérieures à celles de 2012, à 372 milliards de francs CFA (567 millions d’euros).
« L’économie ivoirienne est en train de se diversifier dans tout ce qui est matières premières. On a longtemps dit que l’économie ivoirienne était basée sur l’agriculture, or, aujourd’hui, elle veut également aussi développer le secteur minier », confirme Cedrick Sehe, spécialiste du domaine et président de la CAMP2E, une structure de promotion du secteur minier dans le pays.
En mai, le plus gros gisement aurifère du pays a été découvert dans l’ouest, avec un potentiel pour être la 3e mine d’or ouest-africaine. Et le lithium, le manganèse, le nickel et même le coltan – précieux minerai utilisé pour la fabrication d’appareils électroniques – sont présents dans le sol ivoirien.
Question environnementale
« Ces minerais sont particulièrement recherchés car ils s’inscrivent dans les politiques de transition énergétique. Ils sont par exemple utilisés pour la fabrication de voitures électriques », note pour l’AFP Serge Parfait Dioman, ingénieur expert en industries pétrolières et énergie. « La moitié ouest et le nord-est de notre pays regorgent de minerais stratégiques et critiques », insiste le ministre.
Signe de cette politique volontariste, la Côte d’Ivoire accueillera du 27 novembre au 2 décembre, le Sirexe, son premier salon international des industries extractives. Mais la Côte d’Ivoire peut-elle échapper à la « malédiction des matières premières » comme plusieurs pays en développement avant elle ?
Cette théorie économique défend l’idée que l’abondance de ressources finit par avoir un impact négatif sur l’économie nationale, par la volatilité de leurs cours et l’environnement propice à la corruption qu’elle génère. « Plus vos matières premières sont diversifiées moins vous risquez de tomber dans ces vicissitudes », veut croire Serge Parfait Dioman.
Reste également la question environnementale, pour un pays qui affiche une politique de production énergétique renouvelable ambitieuse…sans pour autant délaisser les hydrocarbures.
ENI s’est engagé à faire du gisement Baleine le premier champ « neutre » en termes d’émissions de carbone en Afrique, en utilisant notamment des technologies moins polluantes et en mettant en place des projets de restauration de forêts classées dans le pays.
L’engagement concerne les émissions liées aux opérations propres (Scope 1 et 2) mais ne mentionne pas les importantes émissions indirectes liées à sa chaîne de valeur (Scope 3). Le groupe italien vise la neutralité en émissions sur les trois « scopes » d’ici 2050, dans le monde entier.
En 2023, l’Institut d’études de sécurité (ISS) mettait aussi en garde contre le risque de déforestation accrue par l’exploitation minière, dans un pays qui a déjà perdu en un demi-siècle près de 90% de son couvert forestier et sur la toxicité des produits chimiques utilisés, pour les cours d’eau environnants.
Fin juin, le fleuve Cavally dans l’ouest ivoirien a par exemple été pollué par des rejets de cyanure, après un incident dans la mine d’or d’Ity.
AFP/Sahutiafrica