Je ne sais quoi dire, je ne sais rien dire, je me suis retrouvé là par hasard. Je me serais bien passé de ce destin tatoué d’imbroglio. C’est tout de même fou cette histoire. Pas parce qu’elle concerne un fou; qu’est-ce que j’en sais d’ailleurs? Mais parce que ma raison toujours si raffinée n’arrive pas à trouver meilleure sentence.
Du coup, c’est moi qui suis fou peut-être. Assurément pas. Il faut ne pas être fou pour savoir qu’on est fou ou pas, ah bon? Vraiment ? Ou ce sont les deux énergumènes en face de moi qui le sont. Quoi qu’il en soit l’affaire est folle! Et je m’en remet au jugement du lecteur.
Partout un mendiant mal tenu, un peu comme une loque humaine crie et s’écrie « 200fc, 200fc. Soyez généreux donnez-moi juste que 200fc”. Cette mendicité chronique et maladive ne semble appâter personne. Tout le monde fait mine de l’écouter sans mettre la main dans la poche. Les raisons sont multiples: sorcelleries, paresses légalisées, oisiveté maladive, etc. Il y en a même qui pensent que ce sont des valides ou invalides qui escroquent la population active car rien ne justifie leur chômage et pour ce, la prison serait recommandable. C’est bien sûr en ignorant le droit constitutionnel de chacun à pouvoir mendier. Soit!
Le pauvre mendiant hèle sa misère en ne demandant que 200fc à tous bons cœurs probables. Mais toujours rien, même moi en passant là, je n’ai pas le courage de lui en donner. Ce n’est pourtant pas l’argent qui me manque, mais comme beaucoup de choses dans ma vie j’aime agir par inspiration et là je ne sens rien. Je ne ressens rien. Alors arrive le problème. Un autre homme habillé en aillons d’apparence folle, mais avec une éloquence à vous couper le souffle. Le visage souriant, peut-être même un peu trop souriant. Il s’avance vers le mendiant avec un billet de 10000fc qu’il vient de récolter de son service à temps plein qui est aussi la mendicité. Chose incroyable, il tend le billet au mendiant qui n’en veut que 200fc selon ses requêtes répétitives. Le mendiant tout heureux de cette fortune s’apprête déjà à mettre le billet dans sa gibecière quand le fou ou l’apprenti fou le reprend: « Mais alors, j’attends mon retour? Si je compte toujours bien, tu me dois 9800fc comme retour. N’est-ce pas ? »
L’obscurité envahit le visage du mendiant qui avait déjà consommé cet argent dans sa tête. Le regard qu’il lance à son donneur démontre qu’il n’avait aucune envie de lui restituer son retour. De toutes les façons, il pouvait penser légitimement: « De toutes les façons, c’est un fou, ce sera sa parole contre la mienne”. Il s’excita. Bouscula le pauvre fou. Le rossa même de manière fulgurante, avec flagrance, le menaçant de ne plus jamais lui parler du soi-disant billet de 10000fc.
Un moment j’ai voulu intervenir. Certes c’est un fou peut-être. Mais, c’est quand même un être humain. Mais la distance à parcourir m’a laissé dans le silence de l’action. En plus de la distanciation sociale à respecter en cette période de pandémie. Mais l’animosité au loin dans mon regard trahissait mes intentions. Arrivé tout près d’eux pour l’intervention, la bagarre s’empira. Quand la police est arrivée, personne n’avait assez de souffle pour conter sa version.
Le mendiant put quand même dire quelque chose. «Ce fou cherche à me voler mes 10000fc…». En voulant intervenir pour rétablir la justice, un policier prit le billet et s’était rendu compte que c’était un faux billet, alors que le gouvernement lutte contre le piratage de la monnaie nationale. Au chef de la bande de policier de reprendre avec véhémence le mendiant: “Donc c’est vous qui détruisez l’économie du pays? Allez amener le, il a déjà dit que ce son billet. Il va s’expliquer au commissariat”. Le temps que le mendiant ne rétorque, on lui remit toute la quête du mendiant de la journée sans manquer d’en détourner un peu…
Christian Gombo