Les affrontements continus entre l’armée et les rebelles du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo ont provoqué mardi la fuite de milliers de déplacés vers Goma, au moment où se trouvait dans la ville l’ex-président kényan et « facilitateur » Uhuru Kenyatta, a constaté une équipe de l’AFP.
Depuis plusieurs jours, des affrontements à l’arme lourde sont signalés vers Kibumba, à une vingtaine de km au nord de Goma. Cette localité est considérée comme un des derniers verrous sur la route nationale 2 en direction du chef-lieu du Nord-Kivu.
En début d’après-midi, alors que des rumeurs faisaient état d’une avancée des rebelles, des militaires ont été vus passant à moto au niveau du camp de déplacés de Kanyaruchinya, au sud de Kibumba.
Depuis la progression du M23 dans la province, des milliers d’habitants se sont réfugiés dans ce camp pour échapper aux combats. Lundi, le chef du camp estimait à environ 40.000 le nombre de ses occupants.
« Les déplacés ont vu des militaires fuir sur des motos, ce qui a déclenché un mouvement de panique », a indiqué à l’AFP un déplacé ayant pris la fuite vers Goma. « Des militaires ont fui après les combats et la population, notamment des déplacés, s’est également enfuie », a confirmé une source sécuritaire, sous couvert d’anonymat.
Le général Constant Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu, appelle au calme. « Je tiens à vous rassurer… Les forces loyalistes contiennent l’ennemi sur les hauteurs de Kibumba », a-t-il déclaré à la presse en fin de journée.
Ancienne rébellion tutsi, le M23 (Mouvement du 23 mars) a repris les armes en fin d’année dernière. Kinshasa accuse Kigali d’apporter à cette rébellion un soutien que des experts de l’ONU et des responsables américains ont également pointé ces derniers mois. Kigali conteste, en accusant en retour Kinshasa, qui nie également, de collusion avec les FDLR, des rebelles hutus rwandais implantés en RDC depuis le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.
«Désescalade»
Pour tenter d’apaiser les tensions dans la région, en proie depuis près de 30 ans aux violences de groupes armés, dont le M23, plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées, notamment par la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC).
Celle-ci a décidé le déploiement d’une force régionale et prévu d’organiser le 21 novembre à Nairobi une nouvelle session de pourparlers de paix. Pour les préparer, le « facilitateur » qu’elle a désigné, Uhuru Kenyatta, a séjourné deux jours à Kinshasa et passé l’après-midi de mardi à Goma.
Lui-même s’est rendu au camp de Kanyaruchinya. « Je ne peux pas ignorer ce que j’ai vu », a-t-il dit dans une déclaration à la presse à Goma, ajoutant avoir entendu des histoires « à briser le cœur ». « Je le dis à toutes les parties: vous ne pouvez pas négocier face à une catastrophe humaine », a-t-il ajouté.
La veille à Kinshasa, il avait appelé les groupes armés à « déposer les armes », ajoutant à l’adresse des groupes d’inspiration étrangère qu’ils devaient comprendre que « la RDC n’est plus le champ de bataille pour des problèmes qui ne sont pas de ce pays ».
Dès le début d’une précédente session de consultations, en avril dans la capitale kényane, les combats avaient repris entre l’armée et le M23. Le gouvernement de RDC refuse depuis de discuter avec le M23, qu’il qualifie de mouvement « terroriste » soutenu par le Rwanda.
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, qui déjà en août avait jugé « crédibles » les informations sur le soutien de Kigali au M23, a renouvelé la pression lors d’une rencontre avec le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta en marge du sommet du G20 à Bali.
« J’ai souligné l’inquiétude profonde des États-Unis à propos de la violence qui continue dans l’est de la RDC et appelé le Rwanda à agir pour faciliter la désescalade », a écrit sur Twitter Antony Blinken après la réunion.
Sur le même réseau social, Vincent Biruta a dit avoir réitéré auprès de lui « l’engagement du Rwanda » à rechercher « la paix et la stabilité » dans l’est de la RDC et souligné « la nécessité pour toutes les parties de travailler à une solution politique à la crise ».
AFP/Sahutiafrica