RDC/littérature : Amsoria, consécration d’une œuvre et d’une volonté de transmission (Lilia Bongi)

Lilia Bongi, écrivaine congolaise, a remporté le premier Grand prix congolais du livre le 29 mars dernier. C’est grâce à son roman « Amsoria ». Entre exil et déracinement, ce livre est aussi désir de transmission et de restitution de l’histoire à la génération future, confie Lilia Bongi dans une interview exclusive à Sahutiafrica.

Sahutiafrica : Vous avez quitté le Congo très jeune pour la Belgique. Que représente ce prix pour vous ?

Lilia Bongi : Recevoir ce prix décerné par son propre pays, quitté à contre cœur il y a plus de 50 ans, et qui en plus récompense un livre dont l’inspiration est tirée dans les souvenirs de la douleur née de l’arrachement à ce pays, est une récompense incroyable. Ce prix consacre non seulement mon écriture, mais aussi la femme que je suis devenue. Ce qui est un grand honneur pour moi.

SA : Amsoria, parlons-en, pourquoi ce titre, qu’est-ce que ça signifie ?

LB : Aussi surprenant que ça puisse paraître, « Amsoria » est un mot congolais. Les congolais l’ont entendu pour la première fois dans les années soixante. De la bouche des soldats soudanais engagés dans la force de l’ONU. En fait, ces soldats disaient I’m sorry (je suis désolé en anglais) pour s’excuser. Et les Congolais entendaient Amsoria. Puis un peu plus tard, le mot a voyagé pour arriver à Kinshasa où les receveurs de bus, disaient à leurs chauffeurs Amsoria comme pour leur dire de démarrer.

Lilia Bongi, vainqueur du premier Grand prix congolais du livre(@sahutiafrica)

C’est ainsi qu’un jour j’ai trouvé ce mot dans un document congolais et comme j’aimais sa musicalité, j’ai décidé de l’utiliser, mais dans le sens d’exprimer l’empathie, le partage de la douleur de l’autre et le réconfort. Je lui ai donné une nouvelle signification un peu plus sentimentale.

Lire aussi :  La RDC demande l'expulsion de Mathias Gillmann, porte-parole de la Monusco

SA : Amsoria est une œuvre autobiographique. Et pourquoi ce choix pour votre entrée en littérature ?

LB : À la base, je ne suis pas écrivaine. J’ai travaillé pendant plus de 25 ans dans l’administration à la commission européenne à Bruxelles. L’objectif initial à l’issue de ma carrière professionnelle était d’écrire d’abord pour mes enfants pour leur laisser une trace de leur histoire maternelle. Eux qui n’ont pas grandi dans les milieux congolais et qui ne connaissent pas beaucoup de choses de l’une des parties de leur histoire. Donc, c’est une volonté de transmission. Je ne voulais pas qu’ils apprennent des autres leur propre histoire, mais aussi ce livre est le fruit d’un besoin de témoignage que j’ai ressenti après les encouragements d’autres personnes, qui voyaient en mon histoire une partie de la leur aussi. C’est ainsi que j’ai décidé à partir de mon autobiographie faire un roman avec plus de liberté que le roman offre et qu’on ne peut pas se permettre dans une autobiographie.

SA : Quel accueil a été réservé à ce livre dans votre milieu direct en Belgique ?

LB : Mon livre a bénéficié d’un grand enthousiasme dans mon entourage. J’ai senti le poids d’une responsabilité immense. Il y avait une grande attente de mon entourage pendant la période d’écriture. J’ai été bien accompagnée et la ferveur était grande, comme si la vie n’allait pas reprendre son cours normal tant que mon livre n’avait pas encore paru. Ce qui m’a encore plus motivé. C’est vrai que le choix de le publier en autoédition n’a pas été aidé pour une grande couverture, mais je suis quand même satisfait du chemin qu’il a fait et continue à faire.

Lire aussi :  RDC : Chérubin Okende, proche de Moïse Katumbi, retrouvé mort

SA : Vous êtes à cheval de deux histoires : celle de la Belgique et du Congo. Comment avez-vous fait pour les mettre en accord sans les opposer ?

LB : Je me suis autorisée d’écrire en toute liberté en tout cas sans plan en autoédition pour ne pas avoir à rendre compte à un éditeur. Je pense que c’est une richesse à la fois pour la Belgique et le Congo d’avoir des personnes comme nous, qui sommes à la charnière de deux histoires. Et, qui savons expliquer et comprendre les réalités de deux pays dont le destin reste lié afin de maintenir l’équilibre.

SA : Un mot sur la littérature congolaise à ce jour, de loin où vous êtes, quel regard portez-vous sur elle ?

LB : Je suis une nouvelle élève dans la classe. C’est mon premier livre. Et j’essaie de comprendre comme évolue le milieu. Mais j’ai le sentiment que la littérature congolaise est marquée par la problématique du déracinement et de la tragédie. Je pense qu’il faudrait faire évaluer ces thématiques pour ne pas qu’elles prennent toute la place et maintiennent certains dans le doute et la culpabilité. Si je peux me permettre un conseil aux écrivains congolais, je leur demanderai de diversifier les thématiques, de viser l’excellence et d’être rigoureux dans ce qu’ils font.

Propos recueillis Dinho Kazadi

Les plus lus

Football/CAF-C1 : «…le terrain aidera Al Ahly et sera difficile pour Mazembe» (Hossam Mohamed Al-Badry)

A quelques jours de la réception du TP Mazembe de la RDC par Al Ahly, champion d’Afrique en titre, Mohamed Al-Badry, ancien entraîneur du...

Côte d’Ivoire/Football : Sébastien Haller forfait face au PSG ?

Touché à la cheville, Sébastien Haller, international ivoirien, pourrait être absent lors de la double confrontation de demi-finales de Ligue des Champions face au...

Football : le choc USM Alger-RS Berkane annulé sur fond de polémique autour d’un maillot

Prévue dimanche 21 avril, la rencontre de demi-finale de la Coupe de la Confédération de la RDC entre l’USM Alger et la Renaissance Sportive...

Discours de Mobutu du 24 avril 1990: les souvenirs du jour de l’instauration du multipartisme au...

«J’ai estimé seul devant ma conscience de tenter l’expérience du pluralisme politique dans notre pays, avec à la base le principe de la liberté...

RDC/Linafoot : Maniema Union enchaîne face à Don Bosco

En battant CS Don Bosco lundi 22 avril (3-1), Maniema Union enchaîne une nouvelle victoire aux plays-offs du championnat congolais.   Kindu. Stade Joseph Kabila. Maniema...

Sur le même thème

L’Egypte récupère une vieille statue de 34 000 ans du roi Ramsès II volée

Volée et sortie clandestinement du pays il y a plus de trente ans, l'Égypte a récupéré une statue vieille de 3.400 ans représentant la...

Carnet de Christian Gombo : Anatomie du désespoir (Espoir d’un futur ministre de je ne sais quoi…)

Hier, j’ai mangé le soleil parce que j’avais faim. Très faim. Et bizarrement, au fond de mes entrailles, je sens aujourd’hui l’hiver. Un terrible...

Littérature : «Pollution de l’information : Fake News et journalisme dans le monde et en RDC», un...

En présentant son livre « Pollution de l’information : Fake News et journalisme dans le monde et en RDC » ce vendredi 5 avril,...

Moi et moi seul (Carnet de Christian Gombo)

Moi et moi seul. Ténèbre d’un soleil en perdition. Enfer d’un paradis perdu. J’épuise l’absurde à force de vivre ma différence. Je vide le...

Pourquoi le Gouvernement tarde à arriver ? (Carnet de Christian Gombo)

La question du moment. A vrai dire c’est la seule question essentielle actuellement. Et en ce poison d’avril sachez le bien : demain on...