De Boma à Kinshasa, capitale congolaise, le poète Hervey N’goma a dû faire des sacrifices et des concessions pour s’imposer dans le paysage poétique en RDC. Sahutiafrica revient sur le parcours de celui qui se fait appeler « Poète de la République ». Qui est-il ?
Vendredi 15 septembre. Il est 12 h 30. Le soleil tape et brille avec vigueur. Emma, près de la trentaine. Visiblement fatigué, et craignant une insolation. Il s’approche des tentes et stands installés au rond-point huileries pour récupérer un peu de force. Une fois installé, il découvre que cet abri qui l’accueille, est érigé là, à cet endroit, pour la Grande Rentrée littéraire de Kinshasa.
Ce rendez-vous annuel de tous les passionnés de la littérature, organisé par le centre Wallonie-Bruxelles, qui est à sa 7ᵉ édition, se tient cette fois-ci au rond-point huileries. Parmi les têtes d’affiche, se trouve Hervey N’goma, poète de la République comme il se fait appeler. Emma le reconnaît. « C’est Hervey N’goma, poète de la république. Je le suis souvent sur les réseaux sociaux », s’extasie-t-il.
Parcours d’un poète
En fait, Emma n’est pas le seul. D’autres personnes sur place, qui prennent part à l’activité, n’ont d’yeux que pour Hervey. C’est lui la star, souffle une personne dans le public. Ils lui posent des questions, lui demandent des conseils. Sourire aux lèvres, Hervey N’goma, savoure avec fierté ce triomphe. Il sait que c’est mérité. Il a fait du chemin pour en arriver là.
Né à Boma dans le Kongo central, loin de Kinshasa et de son boucan permanent. Hervey s’éprend très vite de la littérature. « J’ai grandi dans une ville portuaire, où on pouvait trouver n’importe quoi. Et moi, ce sont beaucoup plus les livres que je trouvais. Je les ramassais presque. Et, je lisais tout ce que je trouvais », raconte-t-il.
De la passion au gagne-pain
Il avait des livres en main. Mais, lui, est tombé amoureux de la poésie. Au départ, une passion qui va être confortée par une requête, celle d’une jeune dame, amour de jeunesse, qui lui demande de lui écrire des poèmes. Réticent au départ, Hervey N’goma se lâche finalement. Se consacre totalement à cet art qui est devenu, au fil des années, son gagne-pain.
Dans son entourage, il est une célébrité que tout le monde connait et respecte. Certains pensent qu’il a trop de talent pour rester là. « En 2012, un ami m’a suggéré de quitter Boma pour Kinshasa. À ses yeux, j’avais un immense talent. À Kin, j’allais avoir la possibilité d’émerger. J’ai accepté sa proposition. J’ai rejoint Kinshasa en 2013, dans le seul but de donner libre cours à ma carrière poétique », confie Hervey avec sourire.
Vivre de ma passion
Tout laisser. Et parcourir près de 600 Km avec comme seul objectif : « faire de la poésie ». Dans un pays où la profession d’écrivain n’est pas la plus convoitée, il faut du cran et une grande confiance en soi pour le faire. Et, Hervey, en a heureusement. « J’ai beaucoup souffert. J’ai même dormi à des funérailles, dont je ne connaissais pas les défunts. Kin, la belle, était devenue ma désillusion. Mais, j’ai tenu bon et résisté, c’est le prix de la réussite », dit-il.
À Kinshasa. Entre souffrance, humiliations et mépris de certains. Hervey N’goma, trace son chemin. Il se fait connaître notamment par les acrostiches qu’il réalise et dédie à de grandes personnalités du pays. « J’ai décidé de vivre de ma passion, d’en faire une profession. Jusque-là, tout va bien. Un jour, j’ai été reçu par le gouverneur de ma province, en ma qualité de poète », affirme-t-il fièrement. Comme si c’était une revanche sur la vie.
Ascension
Déjà auteur de deux recueils de poèmes. Son troisième, sorti en août 2023, « Cris de mes entrailles », est un délice qui se lit d’une traite. Une compilation de ses poèmes écrits à partir de 2005. Des textes intimistes, triés sur le volet, qui raconte avec nuance et profondeur, le vécu de l’auteur : ses amours, ses dérives, ses combats, son chagrin, ses pérégrinations et ses muses aussi.
À ce jour, dans le gratin des poètes kinois les plus respectés, Hervey N’goma tient sa place. Loin de se contenter de son succès personnel, il veut profiter de son aura, pour hisser encore plus haut la poésie dans la plus grande ville francophone, Kinshasa.
Dinho Kazadi