Le soleil s’est déja levé à Kinshasa. Mamu Mbuyi, en pagne, veille aux faits et gestes de ses employés lors de la préparation du plat maison : « le riz et haricots au sucre ». Dans une rue à cheval de la grande avenue Kabambare, commune de Kinshasa, un attroupement des motards se forme tous les jours. Sous les arbres, des chaises autour des tables rondes en plastiques sont disposées et deux bassines pour se laver les mains. Personne n’entre dans le « royaume » minuscule de Mama Mbuyi sans un coup d’œil de sa part. Une salutation en lingala ou en tshiluba si elle connait le client.
Trois grandes marmites bouillantes dans des brasiers sur le feu. A l’intérieur, la recette qui fait la réputation de la dame: le riz et haricots au sucre accompagné du pain. Ce serait ainsi que certaines personnes mangent au Kasaï, province d’origine de la vendeuse.
Ses clients pour la plupart sont aussi originaire du Kasaï. Certains sont reconnaissables par leur accent et ils parlent assez fort.
» Ce repas est une potion magique vu ses vertus pour la santé », explique Shambuyi, un trentenaire habitué du lieu, entre deux grandes cuillères de repas.
Mamu Mbuyi ne se lève de son « trône » en bois que si le client est « de la famille ». En voilà un, originaire de sa province lui aussi. « C’est l’enfant de mon frère ». L’homme est content d’avoir trouvé, à Kinshasa, cette recette de sa province natale. Un autre motard né à Kinshasa est devenu un familier des lieux. Il y vient trois à quatre fois par semaine depuis 2016. « C’est la meilleure recette pour moi », exalte-t-il entre deux rires.

Dans la cuisine de Mamu, l’odeur bouillante des haricots rouges et du riz est perceptible. Elle fait saliver et la présentation fumante dispose à l’appétit. Musiques et rires accompagnent cette convivialité propre à tous les Malewa (restaurants de fortune).
Ce matin, je suis venu déguster le petit feu de Mamu, un mélange des haricots rouges, de riz, du pain et du sucre. Un truc costaud qui me met instantanément dans l’ambiance avec cette impression d’être aussi de la partie. « Bienvenue chez moi » m’accueille Mamu avec un large sourire.
Dans la plupart des « Malewa », les rencontres des motards se font quasi instantanément. Charles, un motard rencontré sur place, déplore un certain communautarisme dans ce quartier de Kinshasa. « C’est dommage qu’on se réfère cette recette culinaire à la communauté Kasaïenne. Heureusement, la clientèle se mélange peu à peu depuis un certain temps. Et même ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans le grand Kasaï sont curieux de ce plat », dit-il.

Selon Charles, « ce plat a des vertus bénéfiques surtout pour les motards qui restent longtemps debout. C’est la meilleure source d’énergie supplémentaire ».
Charles m’emmène dans un autre restaurant. Il est plus exigu. L’on y mange en gardant un œil sur la télé. On y discute politique avec son voisin de table. Des assiettes du plat maison trônent sur toutes les tables. « Mamu sadikila mafuta (Maman rajoute de l’huile de palme) », recommande un client à la gérante.
Les employés de ces restaurants ne mènent que le service du matin à midi et ferment quand les tables sont vides.
Ali Maliki