A Kin, il ne faut jamais manquer « de mégas » ou de forfaits internet (Carnet de Christian Gombo)

A Kin, ou dans le reste du pays, oui partout, même là où c’est encore sous occupation, il ne faut jamais manquer « de mégas » ou de forfaits internet, c’est plus simple…

 

Pourquoi certains me le demandent, l’air de rien ? Eh bien, moi, je sais pourquoi. Je ne suis même pas le seul à le savoir. Parce que, dans notre pays, pour être pris au sérieux, chaque famille, je dis bien chaque famille, doit avoir au moins un sorcier. Sinon, vous êtes fichus. Sinon, vous êtes perdus. Si non, vous êtes pendus. Sinon, vous êtes largués. Sinon, vous êtes changés – que ceci ne vous fasse pas penser à la constitution du pays, pardon… Et s’il faut avoir des mégas aujourd’hui, aujourd’hui comme demain et après-demain, et peut-être même dans un futur éloigné qui ne sera plus simple, c’est simplement à cause de Lumumba.

 

Il n’est pas mort, le mec. Il ne veut pas se reposer. Comment pourrait-il se reposer en paix dans un pays qui n’est pas seul dans sa tête ? Comme la civilisation ne lui avait laissé qu’une dent, une dent qui vaut tout l’or du monde, eh bien… on vient de déranger cette dent. Le pauvre héros ne mérite -t-il pas le repos éternel ?

 

À Kin, ou dans le reste du pays, oui partout, même là où c’est encore sous occupation, il ne faut jamais manquer « de mégas » ou de forfaits internet, c’est plus simple…

 

Sinon, comment sauriez-vous que le pays entier, même si le monde s’en fout un peu, car ce qui l’intéresse, c’est nos richesses et pas nous ? Et c’est le pays entier qui se demande encore et finira par bientôt oublier, parce qu’on connaît notre pays. Autant mieux le dire tout de suite, on se connaît. Les seules affaires de justice qui se terminent rapidement, c’est quand on doit laver le nom d’un politicien au pouvoir, parce qu’il aurait détourné. En tout cas, eux, au pays, ce sont les vrais présumés coupables ou innocents, je ne sais plus. Mais pour revenir aux choses sérieuses, aujourd’hui, tout le monde se demande encore : Qui a voulu voler la dent de Lumumba ? C’est déjà comme « qui a tué Lumumba ? », même si pour la seconde question, nous connaissons la réponse.

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Pour revenir à la dent, celle qui, en rentrant au pays, a suscité et même exigé des dépenses urgentes en millions de dollars – pas millions de francs congolais, c’est trop lourd à porter, la monnaie nationale – mais millions de dollars américains. Nous avons dépensé beaucoup, beaucoup d’argent pour faire venir la dent du seul homme valable de notre pays, et la sécurité de cette dent au pays n’a pas suivi dans les mêmes proportions ? Congolais, qui es-tu ? Mais que personne ne se trompe, ce dérangement inopportun ne restera pas impuni ! On pendra, s’il le faut, toute la République pourvu qu’on retrouve ces dérangés dérangeurs. Et pour cela, comme la justice est malade, elle est même à l’hôpital pour des soins appropriés, il faut vite changer ou réviser la constitution. C’est à cause d’elle que l’esprit du vol ne quitte pas le pays. Ce sera toujours la faute de la constitution, le non repos éternel de Lumumba…

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À Kin, ou dans le reste du pays, oui partout, même là où c’est encore sous occupation, il ne faut jamais manquer « de mégas » ou de forfaits internet, c’est plus simple…

 

Parce qu’il faut vivre tous les lives et directs de tous les sorciers du pays, incapables de plonger dans le ventre du fleuve pour voir qui aurait voulu voler la dent de Lumumba. Sinon qu’on le sache ou pas d’ailleurs : Perdre cette dent, c’est nous perdre nous-mêmes en tant que Congolais. Il faudrait au moins cent ans de jeunes et de prières pour délivrer le pays. Pendant ces cent ans, même la bière ne doit plus être disponible, car cela devrait être la seule affaire d’État. Et espérons que ceux qui ont voulu voler cette dent ne l’ont pas fait pour aller ou tenter de la vendre pour quelques malheureux francs au marché le plus célèbre du pays, où tout s’achète et tout est achetable, « Koweit »…

 

Tiens, tiens… et si les enquêteurs commençaient par-là, on ne sait jamais. Nous en attendant, on va boire un coup et dormir un peu. Nous sommes un peuple-sommeil. C’est normal, a ajouté un marabout, comme si son avis m’intéressait alors qu’il est incapable de nous donner les noms de coupables qui ont désacralisé la tombe de Lumumba : « Nous sommes le berceau de l’humanité, et dans un berceau on dort. Dans un berceau, un bébé n’a pas de dents, du moins pas de dents comme celle de Lumumba. » Con de marabout. Maudit soit-il !

 

Christian Gombo, Ecrivain

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