Sept mois après avoir levé le voile sur la dynastie Bongo, vieille de 55 ans, le président de transition du Gabon lance mardi un dialogue national présenté comme ouvrant la voie aux élections de l’année prochaine.
Le général Brice Oligui Nguema, qui a rapidement prêté serment après le coup d’État du 30 août, s’est engagé à remettre ce pays d’Afrique centrale riche en pétrole à un régime civil après une période de transition.
La communauté internationale a salué les mesures prises jusqu’à présent et de nombreux Gabonais considèrent toujours Oligui comme un sauveur. Certains critiquent néanmoins ce qu’ils considèrent comme un dialogue « entre soi » qui ouvre la voie à la candidature du général à la présidence.
Des appels de plus en plus nombreux au report ou à la réorganisation du dialogue ont été entendus par une partie de l’ancienne opposition qui ne s’est pas ralliée au régime militaire, ainsi que dans les médias indépendants.
Les autorités ont déclaré que le dialogue national inclusif serait composé de tous les « acteurs essentiels » du pays. Mais les critiques soulignent le nombre de participants issus de l’armée et d’autres institutions, et les 580 participants ont été choisis par Oligui.
« Les critères de participation doivent être revus », a déclaré Lionel Giovanni Boulingui, responsable du parti d’opposition REAGIR. « Ils ne sont pas inclusifs ».
Espoir et scepticisme
Selon une liste publiée mercredi, 104 des 580 participants sont militaires. 199 autres sont membres du gouvernement de transition et du parlement. Le site indépendant GabonReview.com a indiqué ce mois-ci que les autorités militaires pouvaient également compter sur une centaine de participants supplémentaires issus des entités locales et régionales mises en place depuis le coup d’État.
Au PK 10, un quartier pauvre de la capitale Libreville, les habitants étaient divisés sur la consultation. « Nous espérons que cela change quelque chose », a déclaré Serge Zoghe Ename, 32 ans, au chômage.
Le policier à la retraite Firmin a déclaré que cela avait pris du temps. « Chacun donnera son avis. Nous l’attendions depuis longtemps », a-t-il déclaré.
Mais Tristan Gelaz, 50 ans, se montre sceptique.
« On se demande si ça ne va pas faire blanc », dit-il, ajoutant : « Les acteurs de la transition sont les mêmes qui hier ont souillé le pays ». Le coup d’État a eu lieu quelques instants après qu’Ali Bongo ait été déclaré vainqueur d’une élection présidentielle que l’armée et l’opposition ont déclarée frauduleuse.
Bongo a pris ses fonctions à la mort de son père Omar, qui avait gouverné d’une main de fer pendant plus de 41 ans. En plus de qualifier le résultat des élections de fraude, l’opposition et les putschistes militaires ont accusé le régime d’Ali Bongo de corruption généralisée et de mauvaise gouvernance.
Être candidat à la présidence ?
Pour les autres participants au dialogue, les 104 partis « légalement reconnus », dont la plupart soutiennent le général depuis le coup d’État, ont proposé quatre personnes, dont une a été sélectionnée.
« Ce n’est pas respectueux de la démocratie interne des partis », a déclaré à l’AFP Anges Kevin Nzigou, du Parti pour le changement. Les représentants de la société civile, notamment des organisations d’employeurs, des syndicats, des groupes de jeunes et de retraités ainsi que des ONG, constitueront le reste.
Le régime militaire « démontre sa volonté de contrôler le débat de bout en bout », a déploré Nzigou. « Organiser un dialogue et choisir qui vient, c’est un peu comme avoir défini ce qui va être dit », estime Guy Pambo Mihindou, chercheur en sciences politiques à l’Université de Libreville.
L’opposition se plaint également du manque d’informations sur la manière dont se déroulera la consultation. « L’organisation de l’IND se fait dans l’opacité totale », a déclaré Joachim Mbatchi Pambou du Forum pour la défense de la République.
Dans le cadre du calendrier de transition, le peuple gabonais a été invité à soumettre des suggestions à présenter au dialogue national. La ministre de la Réforme institutionnelle, Murielle Minkoué, a indiqué que 38 000 plaintes et propositions ont été reçues dans les bureaux ou en ligne. Cinq jours avant le début du dialogue, aucune synthèse de ces propositions n’avait cependant été rendue publique.
Les détracteurs affirment que les résolutions issues du dialogue national ne seront pas contraignantes, y compris sur la future constitution qui, selon les autorités, sera soumise à référendum.
L’opposition craint également que la conférence ne remette pas en question l’autorisation d’Oligui de se présenter à la présidence en 2025. Bien qu’une charte post-coup d’État ait exclu de la course toutes les personnalités dirigeantes des organes de transition, elle a fait une exception pour le général.
AFP/Sahutiafrica