Préparé à base du riz, de poisson, de sauce tomate et de légumes. Le Ceebun jën (riz au poisson) est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis mercredi 15 décembre. « C’est un plat, qui est déjà international. Parce qu’à l’origine, les riz venaient d’Asie, les légumes de l’Europe. Nous, on avait les poissons. Au fur et à mesure, on a introverti ce repas à notre façon de telle sorte que lorsque vous voulez manger du bon Ceebu jën, il faut aller à Saint-Louis », a confié à Sahutiafrica Fatima Fall, directrice du Centre de recherche et de documentation du Sénégal (Crds), Musée de Saint-Louis et co-auteure du livre « Ceebu jën, un patrimoine sénégalais ».
Fatima Fall affirme qu’il y a « une gastro diplomatie » avec l’inscription du plat sénégalais au patrimoine de l’Unesco. « Ça va au-delà de Saint-Louis, du Sénégal et de la sous-région », a-t-elle dit. Pour le professeur Alpha Amadou Sy, co-auteur du livre, « comme le plat est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, il est évident que les restaurants vont commencer à proposer Ceebu jën à leurs clients dans plusieurs pays du monde ».
Origine du Ceebu jën
« Nous pensons que le développement est lié à deux facteurs essentiels : la capacité de se renouveler et de renouveler ce que nous avons. De ce point de vue, je crois que le fait que le président sénégalais va prendre la tête de l’Union africaine sera un atout pour créer les conditions d’une information plus large et plus systématique sur notre patrimoine de manière générale », a déclaré Alpha Amadou Sy.
Saint-Louis, ville située au nord-ouest du Sénégal. C’est là que le Ceebu jën, plat national sénégalais, a été inventé au XIXe siècle. Selon l’Unesco, « tout le monde attribue son invention à Penda Mbaye, une cuisinière du village de Guet-Ndar ». « A partir du moment où la violence économique intrinsèque au colonialisme a débouché sur la destruction des cultures vivrières, le colon nous a imposé les riz qui venaient de l’indo chine. Il y a eu une mondialisation dans la mesure où nous consommons ce qui était produit là-bas. Les légumes étaient aussi importés. C’est à Saint-Louis, classé patrimoine mondial depuis l’an 2000, que l’histoire s’est écrite », a expliqué le professeur Sy.
« Saint-Louis, berceau d’une civilisation de synthèse et de métissage »
« Les Saint-louisiens ont fait de ce malheur entre guillemets un coup de génie. Ils ont su à partir des produits extérieurs pour inventer un plat inconnu. C’est de ça qu’ils ont produit les légumes et les riz. Je crois que Saint-Louis reste le berceau d’une civilisation de synthèse et de métissage. C’est pourquoi Saint-Louis a eu l’opportunité d’inventer le Ceebu jën », a-t-il ajouté. D’après lui, le Ceebu jën est allé au-delà de Saint-Louis jusqu’à devenir un « bien national ».
Motivés à écrire un livre après une riche documentation sur ce patrimoine sénégalais ainsi qu’à la demande de Saint-louisiens, les deux auteurs affirment que « le Ceebu jën fait partie des actes nombreux et diversifiés de résistances du peuple sénégalais ».
« Le livre est sorti le 2 novembre dernier. Cela correspond à 21 ans après l’inscription de l’île de Saint-Louis sur le patrimoine mondial. Ça fait deux labels que nous avons pour Saint-Louis. Nous espérons que nous allons en profiter économiquement, touristiquement, et surtout pour les communautés. Elles y ont largement contribué par rapport à cette inscription », a conclu Fatima Fall, directrice du Musée de Saint-Louis.
Trésor Mutombo