«À force de nous faire constamment mal, nous avons transformé la première lettre de l’alphabet français en un cri. Et “amour” qui devait être le premier mot de notre univers s’est alors évaporé».
À sa nièce qui vient de lui écrire pour lui annoncer qu’elle venait de percevoir le tout-premier salaire de sa vie, Michel a répondu:
Tendre NIÈCE, je t’élève en lettres majuscules.
Je suis sans doute d’un autre siècle. Mais, remarque, ce siècle qui m’a vu naître et qui m’a vu grandir, m’a tellement donné que je ne saurai tout garder pour moi.
Les mots des hommes et ceux des femmes. Le regard d’une femme et celui d’un homme. Les gestes des uns et ceux des autres. La tendresse d’un enfant et son sourire vrai, dans mon siècle, j’ai appris à les connaître.
Les attitudes et les aptitudes des adultes.
Les préoccupations et les courses effrénées des unes et celles des autres.
Leurs promesses fragiles qui fondent aussitôt dans le silence du vent observateur ébahi,
J’ai appris à les reconnaître, dons de mon siècle.
Vois-tu, Christelle, le plus important c’est la satisfaction morale.
Celle d’avoir bien fait son travail. Le salaire c’est bien. Mais, le travail bien fait est un bienfait. D’abord pour soi.
Il est inestimable et il égaie la conscience.
La gaieté intérieure est le tout premier salaire, Christelle.
Mérite et dignité. Amour propre et honneur, ensuite.
Si tu peux encore te préoccuper de ton travail et te soucier de bien le faire, Christelle, tu auras eu des oreilles pour écouter et une tête pour réfléchir à ce que tu auras entendu.
Ceux qui font leur travail et le font bien, se distinguent de ceux qui s’agitent et s’agitent bien au travail.
Écoute tous ceux qui te parlent et fais la différence entre ceux qui veulent te distraire de l’essentiel et ceux qui cherchent à être utiles pour toi au travail.
Christelle, que pour toi, ce milieu soit sacré.
Par conséquent, ne le sacrifie jamais.
Je suis d’un autre siècle. Je t’envoie un flacon virtuel. Il est de ton siècle à toi.
Et il est plein d’une solution rare de «joie de travailler». Répands quelques fines gouttelettes du contenu autour de toi. Le vent ne les emportera pas. Soigne ton geste et tu n’auras pas semé à tout-va.
Servais Koumako/ Togo