Sahutiafrica, site d’informations panafricain, publie ce samedi 27 août la deuxième partie de la tribune de Me Oscar Mubiayi Nkashama sur le juge pénal d’un ancien Premier ministre dans l’affaire d’Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre devenu sénateur, inculpé pour détournement de fonds alloués au projet du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Me Oscar Mubiayi tente de donner un éclairage dans sa tribune.
Pour répondre à l’exception d’incompétence mieux à une fin de non-recevoir soulevée par la défense de M. Matata, la Cour de cassation a saisi la Cour constitutionnelle pour s’entendre lui donner « la portée exacte de ces deux expressions : infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de fonctions », utilisées par l’article 164 de la Constitution.
Il importe avant toute chose, d’écarter avec fermeté les affirmations pour le moins scandaleuses du professeur émérite Mampuya, pour qui la notion de fin de non-recevoir, utilisée en l’espèce par la Haute cour serait « une expression qui n’a aucun contenu juridique » !
La fin de non-recevoir est un moyen de défense « qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande. Sans examen au fond pour défaut du droit d’agir ». Nous pouvons simplement renvoyer le professeur-docteur non seulement au lexique des termes juridiques, mais aussi et surtout à l’article 122 du code de procédure civil français que nous espérons mieux connu du Monsieur le professeur émérite. Mampuya (o tempora, o mores = ô temps, ô mœurs) ! Si nos savants eux-mêmes se trompent sur les notions élémentaires, que dire de nos magistrats formés par les mêmes savants ?
Infractions commises dans l’exercice des fonctions et infractions commises hors exercice des fonctions
Pour revenir au cas qui nous occupe, il convient de s’interroger sur l’objet ou la finalité de la saisine de la Cour constitutionnelle par la Cour de cassation. Selon ses propres termes, la Cour de cassation demande « à la Haute cour de lui donner la portée exacte de deux formules » utilisées par l’article 164 de la Constitution, désormais célèbres : infractions commises dans l’exercice des fonctions et infractions commises hors exercice des fonctions.
Si l’on s’en tient à la lettre de l’arrêt de la Cour de cassation, en faisant une lecture de l’article 162 visé en l’espèce, il faut avouer qu’il y a d’être perdu comme le professeur Mampuya puisque l’article 162 de la Constitution permet de saisir la Cour constitutionnelle en exception d’inconstitutionnalité et non en interprétation que souhaite manifestement la Cour de cassation.
Mais, si l’on fait une lecture littéraire de l’arrêt qu’aurait dû par ailleurs faire le professeur Mampuya, cet arrêt laisse à comprendre, selon ses propres termes que la Cour de cassation a entendu saisir la Cour constitutionnelle en interprétation et non en inconstitutionnalité. Les deux voies, selon qu’il s’agit de saisine fondée sur l’article 162 ou 161 de la Constitution, n’ont pas la même finalité.
En interprétation, la Cour constitutionnelle donne la portée d’une loi applicable, alors qu’en inconstitutionnalité, elle contrôle la conformité de celle-ci (au sens large du terme) à la Constitution. En visant visiblement à dessein l’article 162 dans le cas sous examen au lieu de l’article161 de la Constitution, la Haute cour nous paraît avoir voulu contourner l’obstacle de l’article 161 de la Constitution, sûrement pour ne pas se butter au défaut de qualité, dont elle aurait eu du mal à démontrer ni à justifier.
Au regard de l’article 161 de la Constitution, la Cour de cassation ne fait pas partie de la liste limitative et exhaustive des personnes pouvant saisir la Cour constitutionnelle en interprétation. Cependant, cette démarche de la Haute cour, même si l’on peut penser qu’elle espère obtenir l’interprétation de la Cour constitutionnelle, pour envisager la procédure de révision de l’arrêt RP 0001. La révision n’est malheureusement envisageable qu’en cas d’erreur matérielle et non de droit. La Cour de cassation est donc loin d’être sortie de son impasse et sa voie empruntée reste sans issue.
La saisine du juge constitutionnel comme juge des conflits de compétence : une voie d’issue ?
L’on parle des conflits de compétence ou conflits juridictionnels lorsque deux juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif se réclament simultanément compétentes ou incompétentes pour juger les mêmes faits. En l’espèce, la Cour constitutionnelle s’étant déclarée incompétente et la Cour de cassation en voie de l’être absolument, il y a là conflit de compétence naissant.
Ainsi, la Cour constitutionnelle peut être saisie non en interprétation, mais en tant que juge des conflits, pour déterminer de manière définitive le juge pénal compétent d’un ancien Premier ministre. Si dans le système congolais, il n’existe pas le tribunal des conflits. La Cour constitutionnelle, au regard de l’article 161 de la constitution, en fait l’office.
Sauf que le constituant de 2006, visiblement non prévoyant, n’a pas prévu non seulement le mécanisme de règlement de conflits de compétence entre l’ordre administratif et judiciaire, mais aussi entre la Cour constitutionnelle et ces deux ordres.
Cependant, en vertu de son pouvoir régulateur auquel le professeur Mampuya est hostile sans pertinence, la Cour constitutionnelle peut élargir son champ de compétence (on dit qu’elle a compétence de sa propre compétence) pour trancher en l’espèce le conflit de compétence, né de la forfaiture de son ancien président, qui a été emporté par le sort dont seul l’avenir, reste seul juge.
Maître Oscar Mubiayi Nkashama