«De ce côté-ci, c’est comme s’il n’y avait pas de couvre-feu», s’exclame Kalamba, conducteur de moto. Vingt-et-une heures sont déjà passées. Nous sommes à la Gombe, à Kinshasa, capitale de la RDC. Les rues ne sont pas désertes. Circulation quasi normale. Non loin d’un poste de police, des clients attablés mordent dans la viande de chèvre avec force bière. Une Jeep de la police vient de passer non loin sur l’avenue. Le couvre-feu serait mort depuis un bon moment.
«Ceux qui ont tué le couvre-feu, ce sont les policiers. Il suffit de payer 1000 Francs Congolais ou 2000 Francs congolais, devant un barrage, pour qu’on te laisse passer. Comme si le couvre-feu ne concerne que les conducteurs de véhicules et de moto. Comment alors les piétons vont respecter l’interdiction de circuler», poursuit le conducteur de moto.
Avenue de l’Enseignement, dans la commune de Kasa-Vubu, un autre motard à vive allure lance: «Attention, il y a la Jeep derrière». Il prévient un autre motard de la présence d’une patrouille mobile. Plus loin, «Rond-point Huileries», 22h, il y a encore du monde. Chacun essaie de trouver un moyen de transport. «A cette heure de la nuit, on trouve plus de motos que de véhicules», prévient un jeune homme qui va à Bandal, accompagné d’une jeune dame.
Depuis décembre 2020, les autorités de la RDC ont instauré un couvre-feu de 21h à 5h du matin. Pour limiter la propagation de la pandémie. Au début de la mesure entrée en vigueur le vendredi 18 décembre, la ville de Kinshasa l’a vécue comme dans une sorte de psychose.
A la Gombe, centre des affaires, à partir de 20h, les rues commençaient à se vider. Sur le boulevard du 30 juin, les quelques véhicules en retard roulaient à vive allure. Chacun voulait quitter le centre-ville à temps pour ne par être surpris hors de son domicile. Quelques minutes avant, les policiers en postes posaient déjà des barrières métalliques. Les transports en commun se faisaient rares. Les quelques motos qui bravent encore le couvre-feu multiplient leurs courses par 3 ou 4. Les affaires sont bonnes pour les «wewa», nom commun donné aux motards.
Du rond-point Huileries jusqu’au rond-point Victoire par exemple, près de 5 km, il faut plus de 10.000 FC, près de 5$Us. Alors qu’en temps normal, la course se négocie à 2000 ou 3000 Francs. Faute de transport et pour éviter de passer la nuit à un barrage avec les policiers ou sur la route, certaines personnes optent pour dormir aux bureaux, dans des hôtels de fortune ou des flats.
Apparemment le couvre-feu s’est «normalisé». A 21h, la circulation continue timidement. A bord des voitures ou des motos, les passagers s’organisent pour trouver «une raison valable pour convaincre». Si non, quelques billets tiennent lieu de «péage», rigole Kalamba, conducteur de moto qui vient de dépasser un groupe de jeunes, à pied, profitant du calme des avenues pour rentrer tranquillement chez eux.
Alimasi Kambale