Faisons alors tout simplement pour sentir bon. Un homme ou une femme qui sent mauvais, c’est qu’il mérite la prison du célibat. Un point, c’est tout. Et que vont sentir tous ces prisonniers qu’on libère ou qu’on a libérés par la mort ?
De deux à 129 prisonniers morts, selon les sources officielles de la République. On ne peut que dire oui, car c’est officiel. C’est officiel, donc c’est vrai. Dire le contraire, surtout si on n’a pas de preuves, c’est dire peut-être la vérité. Et comme la vérité ne viole jamais « peut-être », tu auras tout le temps en prison pour extirper de la vérité ton « peut-être ». Parce que la République est une chose sérieuse, et quand c’est sérieux, il faut parler pour dire vrai ou ne rien dire du tout…
Alors nous ne dirons rien. Même si une simple question s’impose dans nos esprits d’âne : si on ne dit pas que nous ne croyons pas à la version officielle qui dit qu’il y a d’abord eu 2 morts, puis 129 au total lors de la tentative d’évasion manquée, ou que certains prisonniers, au lieu de s’enfuir, ont préféré violer certaines femmes prisonnières, et si on ne le dit pas mais qu’on le pense seulement, le Procureur de la République pourra-t-il aussi nous arrêter ?
Si les choses vont mal, si on dit la vérité, on va violer notre liberté ; si on ment, aux cieux, on va violer notre éternité : que faire ?
Entre deux mots, il faut toujours prendre le plus petit. Vous savez pourquoi ? Le petit mot dit tout. Bien sûr, pour cela, il faut être un « vrai poète ». Le poète n’a pas besoin de gros mots ou de grands mots ; avec le plus petit des mots, il peut transmettre l’émotion de la misère collective. C’est justement pour cela qu’entre deux maux, il ne faut rien prendre. Les maux ne construisent pas la République.
La Justice, si. C’est pour cela que nous ne savons pas dire directement au premier responsable de la Justice, en sachant qu’il a sûrement la solution, car toute vision a toujours une solution : « C’est bien de faire libérer des prisonniers, c’est très bien. Mais sont-ils prêts pour la réinsertion sociale ? Que feront-ils ? Comment vivront-ils ? »… Des tas de questions que je lui aurais sans doute posées, mais je sais qu’il a déjà les réponses. Ceci dit, c’est pour que les choses marchent mieux.
La prison n’est bonne que pour les vrais voleurs. Des gens, par exemple, qui mettent souvent beaucoup de trous dans le budget de l’État. Oui, tous ces gens qui vivent avec le sang et la misère des Congolais entre leurs mains, qu’ils soient pères de famille ou pas, ces gens-là méritent la prison. Et comme nous n’avons pas de preuves, c’est pour cela qu’on ne cite aucun nom. Mais tous ces gens, on les connaît tous. Tout le monde les connaît et les reconnaît. C’est ça aussi la Justice !
Si les choses vont mal, si on dit la vérité, on va violer notre liberté ; si on ment, aux cieux, on va violer notre éternité : que faire ?
Les plus courageux parlent. Ils disent haut ce que tout le monde pense bas. Justement, en parlant de courage… qui est courageux au pays ? Martin Bakole ? Peut-être. Lui, au moins, il boxe pour ne pas avoir faim. Mais pourquoi nos politiciens ne combattent-ils pas notre faim, notre soif, bref, notre misère collective comme Martin Bakole tape ses adversaires ? Il faut qu’on sacrifie quoi ? Qu’on tue qui ? Qu’on vende qui ou quoi ?
Des tas de questions et nous ne savons même plus y répondre. C’est peut-être pour cela que le président du Sénat, après avoir tant réfléchi pour notre bien-être, a trouvé plus urgent d’avoir l’idée de construire deux nouvelles « chambres » pour les sénateurs et députés. C’est peut-être pour cela que le président du Parlement trouve plus utile, après de multiples réflexions, de construire un nouvel hôpital pour les élus de la République. Oui, ça urge.
Jusqu’à quand iront-ils toujours se faire soigner en dehors du pays alors que le pays a un hôpital ultramoderne ? C’est pour cela que le ministre des Sports et Loisirs veut augmenter le prix de nos loisirs en taxant tous les lieux de loisirs, parce qu’on ne peut pas être dans le loisir quand on doit travailler. Et en plus de cela, c’est urgent de vite construire un stade pour les Kinois, parce que le stade Tata Raphaël et le Stade des Martyrs n’arrivent plus à contenir tous les Kinois et sont devenus vieux. Et pendant ce temps, celui qui construisait notre Arena est porté disparu. Nos millions aussi…
Christian Gombo, Ecrivain