Soumise depuis plus d’une décennie à un embargo sur ses exportations de diamants, la Centrafrique espère convaincre cette semaine ses partenaires du Processus de Kimberley de lever toutes les restrictions sur un secteur crucial pour ses finances.
Le processus de Kimberley (KP), organisme de régulation du commerce mondial du diamant, se réunit à partir de mardi à Dubaï pour son assemblée plénière sous la présidence des Emirats arabes unis. Pour Bangui, le point principal de l’ordre du jour est une levée totale de l’embargo imposé après les crises politico-militaires de 2013.
« Les conditions sont aujourd’hui réunies puisque, de notre côté, le problème de sécurité ne se pose plus » et que « l’exigence minimale de traçabilité a été réglée », a assuré le ministre des Mines et de la Géologie de la République centrafricaine. Rufin Benam Beltoungou en septembre lors d’une visite d’experts du KP.
Pour la première fois depuis 2015, cette mission d’experts a en effet pu se rendre sur le terrain, visiter plusieurs sites miniers et vérifier la conformité des pratiques d’extraction et de commercialisation avec les normes internationales visant à bloquer les « diamants de sang » issue des zones de conflits.
« J’ose croire que le rapport va faire des recommandations en faveur de la République centrafricaine. La dynamique de la délégation d’experts était fortement positive, mais ça ne veut pas dire que l’issue sera forcément heureuse », s’inquiète Paul -Crescent Beninga, membre de la Coalition de la Société Civile du PK dans un entretien avec l’AFP à Bangui.
Les richesses gisements de diamants alluvionnaires constituant, avec l’or, une des ressources les plus précieuses du pays, avec des permis d’exploitation et de recherche délivrés à des Chinois, des Américains, des Rwandais mais aussi des Russes liés au groupe mercenaire Wagner qui soutient le régime.
Pour la Centrafrique, l’effet des sanctions a été drastique : en 2011, deux ans avant le coup d’État militaire qui a ensuite dégénéré en interminable guerre civile, le pays exportait prétendument 323.575,30 carats de diamants pour un revenu du 29, 7 milliards de francs CFA (environ 45 millions d’euros). En 2023, ce revenu était de 324,3 millions FCFA (496.000 euros), selon les chiffres officiels.
Les sanctions « auraient dû être levées dès que l’ordre constitutionnel a été restauré en mars 2016 », mais elles ne l’ont été que partiellement, en 2015, contrairement à ce qui s’est passé pour l’Angola, la Côte d’Ivoire. ‘Ivoire ou la Sierra Leone, déplore Luc Florentin Simplice Brosseni Yali, le directeur général du Secrétariat permanent du KP, dans un entretien avec l’AFP.
Actuellement, un tiers des 24 zones minières diamantifères répertoriées dans le pays ont déclarées « zones vertes » et peuvent exporter, les autres, en « zone rouge », sont conservées sous sanction.
« La situation des habitants de ces régions de production est déplorable », assure Brosseni Yali pour qui un retour à des activités économiques normales contribuerait « au rétablissement de la paix en proposant aux jeunes une voie différente de celle des armes ».
«Contrebande»
Pendant la mission d’évaluation, « j’ai vu des jeunes et des dames s’agenouiller pour demander aux experts du PK la levée des sanctions », affirme-t-il.
De plus, selon lui, « les restrictions n’ont pénalisé que le gouvernement, pas les groupes rebelles : elles n’interdisent pas l’exploitation des champs miniers, seulement l’exportation des diamants extraits. Les artisans miniers exploitent les sites, vendent leur production à qui veut bien acheter et les diamants se récupèrent dans un système de contrebande ».
Lors de la dernière assemblée générale de l’ONU à New York, le président Faustin Archange Touadera a lui aussi plaidé pour une levée totale d’embargo en soulignant la situation « relativement stable » de son pays.
Mais, malgré les efforts pour étendre l’autorité de l’État à l’ensemble du territoire, la situation en matière de sécurité reste « volatile », avec des « affrontements armés récurrents liés à l’accès aux sites miniers et au contrôle des principaux axes routiers », selon le dernier rapport trimestriel de la MINUSCA, la force d’interposition déployée par l’ONU.
Au terme d’une visite fin septembre, une équipe du FMI a pour sa part noté « des progrès dans le maintien de la paix » tout en pointant « l’insécurité persistante dans certaines zones minières », « l’environnement peu propice aux affaires » et « l’incertitude réglementaire » du secteur économique.
AFP/Sahutiafrica