A force de me tirer par la queue, je suis devenu leur envie de vivre, ma seule raison pour mourir. Bon diable, mauvais diable, je suis, je reste. Ils l’ont statué pour moi en me coinçant dans le cube-titanium de la fatalité. Esprit libre, enchaîné, déchaîné, envoûté, et surtout sans désir propre.
Je ne suis qu’un pantin, une marionnette, un esclave! Au diable, le goût de la liberté ! Ne pas choisir, c’est choisir. Bien choisir, c’est choisir comme eux ont fait le choix. Il n’y a pas autres alternatives. Leur devise pour moi, moi, le seul être humain sur terre où je ne dois que me taire : mauvais un jour, mauvais pour toujours ! Point de salut ! Point de rédemption ! Je suis la peste de l’existence. Je suis la malédiction existentielle.
Le monde va à vau l’eau à cause de mes dires et agissements. Mauvais un jour, mauvais toujours! Voilà leur sentence à mon égard que je trouve dans le feu de leur regard. Et toujours feu sur moi. Feu sur le démon immonde qui inonde mon âme. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas tenter le diable. Il ne faut jamais le tirer par la queue. La queue se coupe. Comme le roi des Belges qui nous coupait jadis les mains. Et à force de me tirer par la queue, moi, diable endiablé, on a fini par me la couper. Oui, ma maudite queue senteur du mal universel, je l’ai perdue. Je ne l’ai plus. Mais cela n’intéresse personne.
J’insiste, je n’intéresse personne. Parce que je suis différent, je mérite l’indifférence. Césaire avait raison « l’enfer est vide, tous les diables sont ici! ». Heureusement, qu’ils ont des queues invisibles… On ne sait les tirer !
Christian Gombo, Écrivain