« Il est le seul à pouvoir sauver le Nigeria » : A Lagos, capitale économique du pays le plus peuplé d’Afrique, des milliers de jeunes ont accueilli samedi avec « un immense espoir » l’outsider de la présidentielle, Peter Obi, lors d’un meeting géant.
Face à une foule agitant des drapeaux et chauffée à bloc par les performances de stars de l’Afrobeats, le candidat Peter Obi est monté sur scène souriant et le poing levé, avant de haranguer la jeunesse de Lagos, lui promettant « un nouveau Nigeria ».
« Nous allons travailler très dur pour sortir les gens de la pauvreté, pour que nos jeunes aient des emplois », a-t-il lancé à ses supporters qui chantaient à tue-tête « Obi, nous te suivons ».
Soutenu par le Parti travailliste, Peter Obi a émergé comme un challenger crédible face aux candidats des deux principaux partis nigérians, l’APC et le PDP, qui dominent le pouvoir depuis le retour à la démocratie en 1999.
L’élection prévue le 25 février est une course très serrée pour succéder au président Muhammadu Buhari, qui se retire après deux mandats sous le feu des critiques, le pays s’engouffrant dans une grave crise économique, et faisant face à d’immenses défis sécuritaires.
Pour Uju Onyekah, une vendeuse âgée de 30 ans parmi les partisans d’Obi, « il est le seul qui peut sauver le Nigeria ».
« Les gens souffrent trop, nous les jeunes, nous sommes 100% derrière lui », s’exclame-t-elle, la voix cassée à force d’avoir trop crié.
Dans un pays où les moins de 25 ans, avides de changement, représentent près de 60% de la population, beaucoup disent ne pas se reconnaître dans l’élite politique, personnifiée par le président Buhari (79 ans).
A 61 ans, Peter Obi, ancien gouverneur de l’Etat d’Anambra (sud-est) qui fut lors de la dernière présidentielle de 2019 candidat de l’opposition (PDP) à la vice-présidence, a gagné en popularité ces deux dernières années, notamment sur les réseaux sociaux.
Il a notamment profité de l’éveil politique d’une partie de la jeunesse qui s’était révoltée en octobre 2020 lors d’un mouvement de protestation contre les violences policières, du nom d’Endsars, qui avait été réprimé dans le sang.
Samedi, Peter Obi pouvait compter sur la présence d’Aïsha Yesufu, l’une des figures de ce mouvement, qui a fait observer à la foule une minute de silence en hommage aux victimes de la répression.
Bousculer la vieille garde
Les partisans d’Obi voient surtout en lui, le candidat venu bousculer la vieille garde : ses adversaires dans cette course sont Bola Tinubu du parti au pouvoir (APC), et Atiku Abubakar du PDP, deux routards de la politique, richissimes septuagénaires qui trainent derrière eux des accusations de corruption mais à l’influence immense.
En miroir, Peter Obi a la réputation d’être un homme simple et intègre, connu pour son combat contre la corruption au sein de l’Etat d’Anambra lorsqu’il y était gouverneur entre 2006 et 2014.
Selon des analystes, la popularité d’Obi au sein de la jeunesse de Lagos, fief de Tinubu et important réservoir de votes, pourrait mettre en difficulté la candidature du parti au pouvoir.
Celle-ci a déjà été mise à mal ces dernières semaines par de graves pénuries d’essence et de billets qui provoquent la colère des Nigérians contre l’exécutif.
Aussi Peter Obi, qui est un Igbo du sud-est, un des bastions traditionnels du PDP, pourrait profiter d’une crise interne au sein du parti d’opposition pour gagner de nombreuses voix dans cette région.
Cependant, la formation politique avec laquelle il se présente, le Parti travailliste, manque de structure au niveau national, et ne dispose d’aucun gouverneur. Lors du précédent scrutin en 2019, son candidat avait remporté 0,2% des voix.
En outre, le vote au Nigeria est souvent motivé par une appartenance religieuse ou ethnique.
Le pays le plus peuplé d’Afrique est partagé de manière presque équivalente entre un nord majoritairement musulman et un sud majoritairement chrétien. Il est aussi un patchwork de centaines de groupes ethniques, dont les plus importants sont les Yoruba, les Haussa et les Igbo.
Les analystes doutent fortement de la capacité de Obi, chrétien et Igbo, à mobiliser dans le nord, majoritairement musulman et Haussa, une région stratégique, et un immense bassin d’électeurs, qui avait favorisé Muhammadu Buhari lors des deux dernières élections.
AFP/Sahutiafrica