« Mati nazoki na motema pasi pasi basi bamonaka…soki mobali aboyi yo soni oh… », chante en a capela Maman Ntumba, la cinquantaine et gérante d’un bar à Kinshasa, capitale congolaise. Elle chante en claquant les doigts. Elle reprend presque tous les tubes de l’artiste congolaise M’pongo Love, décédait le 15 janvier 1990. Cela fait 32 ans que l’artiste est morte. Elle n’avait que 34 ans. Que pensent les mélomanes de cette artiste et que reste-t-il de M’pongo Love ?
« Elle était une artiste hors norme malgré son handicap. M’pongo Love a été acceptée par le public. Et à l’époque, le monde de la musique était quasiment dominé par les hommes », raconte Maman Ntumba.
Pour cette dame, l’artiste musicienne pensait déjà à l’émancipation de la femme. « Par ses chansons, elle motive les femmes à travailler afin d’améliorer les conditions de leur vie, celles de leurs enfants et de leur mari; même si l’adversité venait à se présenter », ajoute-t-elle.
Pour Jean-Paul Mangue, père de famille trouvé devant sa parcelle à Kinshasa, M’pongo Love est et restera l’inspiration de plusieurs musiciennes congolaises . « Sa voix légère et limpide a traversé toutes les régions d’Afrique. J’ai participé à plusieurs de ses concerts à Kinshasa. Sa mort reste une perte pour toute la nation congolaise et l’Afrique Centrale », lâche-t-il.
Mais qu’en est-il de son orchestre Tcheketcheke Love ?
L’artiste ne meurt jamais et que ses œuvres restent, dit-on. La disparition de la majorité de musiciens congolais rime avec la disparition de leurs orchestres. Le « Tcheketcheke Love » n’a pas fait exception. Après la mort de M’pongo Love, son orchestre aussi a disparu. « Alfride Mpongo Love est morte avec son orchestre. Mais le monde n’oubliera pas que malgré son handicap, elle aura été le symbole de courage, de vision et de l’envie d’exploiter ses talents », dit Michaud Ngele, étudiant à l’institut national des arts à Kinshasa.
Sa rivalité avec Abeti Masikini
Vers les années 70 et 80, une rivalité entre M’pongo et la chanteuse Abeti Masikini. Elles étaient considérées comme les deux grandes dames de la musique congolaise moderne. En 1977, Abeti Masikini lance la chanson « Bilanda landa ». L’interprétation erronée du public provoque un antagonisme entre les deux chanteuses. « Cette rivalité a été rude à cette époque et c’était une première de voir deux artistes féminines au top de leur succès. Et M’pongo Love avait répondu par la chanson Koba. Elle chante « Okeyi kotuna nganga soki ozalaka na lisuma, lisuma te, motema na yo mbindo » (Tu es parti demander au devin si tu étais maudite, il te répondrait que ce n’est pas une malédiction, mais plutôt tu as un mauvais cœur)…(rires). La réponse de Love avait provoqué la colère d’Abeti », raconte Koko Madeleine, septuagénaire. Assise, elle prend une tasse de tisane.
Alfride M’pongo Love a passé une enfance pleine de défis. Elle a connu un handicap avec ses jambes suite à une injection de la pénicilline. Mais, elle a aussi était affectée par la mort de son père alors qu’elle avait moins de 5 ans. « Elle est une source d’inspiration pour nous les personnes avec handicap. Malgré la discrimination qu’a la société congolaise vis-à-vis de nous, elle a gravi des montagnes. De mon côté, j’essaie d’exceller en menuiserie », dit Me Guylain, handicap de naissance et menuisier.
15 janvier 2022, trente-deux ans que M’pongo Love est morte. Elle souffrait de méningite cérébrale. Après plusieurs semaines d’internement aux Cliniques Universitaires de Kinshasa, elle s’éteint le 15 janvier 1990, à 34 ans. Toute sa carrière a été marquée par le courage d’une femme qui s’est intégrée dans la musique avec intelligence et conviction. Aujourd’hui, l’une de ses filles interprètes parfois ses chansons. Même si elle est loin du talent et du succès de la mère, elle garde du moins le même timbre vocal.
Ali Maliki