« J’ai failli passer nuit au poste de police. Les policiers m’ont arrêté, alors que je revenais de la pharmacie acheter un médicament », raconte Frida Nzuzi, dans la vingtaine. Frida dit avoir été brutalisée par des forces de sécurité, alors qu’elle habite juste à côté du poste de police.
Nous sommes au quartier Ntampa, commune de Makala, à Kinshasa, capitale de la RDC. Dans ce quartier, des éléments de la police surnommés « Ujana » sont accusés d’abus, menaces, intimidations et d’arrestations arbitraires. D’après certains habitants de ce coin, le soir, croiser un policier est synonyme d’arrestation.
Ces forces de l’ordre disent être à la recherche des kulunas, des bandes de jeunes qui attaquent les populations à coup de machette. Du coup, tout jeune surpris à l’extérieur après une certaine heure est passible d’être considéré comme un kuluna.
Il est 21 heures passées, des policiers m’interpellent et me conduisent directement au poste. « J’ai d’abord gardé mon calme parce que je me reprochais de rien. Mais lorsqu’il a commencé à se faire tard, j’ai commencé à pleurer à l’idée de passer la nuit au poste de police. Toute triste, je ne parlais pas. Certaines personnes au poste, insultaient les policiers. Moi, j’étais calme. C’est vers minuit qu’on m’a libéré pour que je rentre seule à la maison. Je suis rentrée à la maison en courant», ajoute Frida Nzuzi, d’une voix tremblante et en colère.
Les policiers en patrouille ne sont pas souvent seuls. Ils ont quelques jeunes qu’ils considèrent comme des éclaireurs. Les éclaireurs sont en civil. Difficile donc de savoir qu’ils accompagnent des policiers pour débusquer des «Kuluna ».
Rolly Kandi, infirmier dans la trentaine, a rencontré ces policiers. « Je revenais du travail. J’étais à deux pas de notre parcelle. Comme il faisait noir, je n’avais pas les éclaireurs, encore moins les policiers. J’ai juste reçu une grosse gifle. Le temps de comprendre, c’est en fait un éclaireur qui venait de me donner cette baffe. En voulant me défendre, des policiers sont venus pour soutenir l’éclaireur. Et là, ils m’ont alors copieusement tabassé et pris mon argent. Ils m’ont dépouillé de tout ce que j’avais », se plaint Rolly Kandi.
Sans comprendre son tort, ni la raison de cette brutalité, l’infirmier est relâché. Mais, sans argent. Le butin a disparu dans les poches des forces de sécurité. Dans l’obscurité, difficile de savoir la destination prise par l’argent.
« Je devais acheter à manger et payer quelques frais scolaires pour les enfants. Mais, hélas, tout cela est parti entre les mains de ceux qui cherchaient des kuluna », regrette l’infirmier. Plusieurs habitants de ce quartier vivent dans la peur. La peur de rencontrer un policier sur sa route. « Mieux vaut croiser de kulunas que de rencontrer ces policiers », souffle une habitante du coin. Et pourtant, c’est le contraire qui aurait dû être la règle. Se sentir en sécurité quand on rencontre les policiers.
Les chauffeurs taxi ne sortent plus tôt
Héritier Ngama, chauffeur taxi, ne sort plus très tôt le matin. Il évite de croiser la patrouille. « Ces policiers se promènent jusqu’à 4 heures. Si tu les croises à ces heures, ils peuvent te prendre tout ce que tu as, alors que tu vas commencer ta journée. Lorsqu’on rentre le soir, par malheur, croiser ces éléments, c’est la garantie de se faire dépouiller tout l’argent qu’on peut avoir », déplore-t-il.
Et pourtant, la population craint pour sa sécurité. Dans le quartier, les Kuluna font la loi et attaquent les habitants. « Quand il faut arrêter les vrais kuluna, les policiers ne sont pas là. Mais lorsqu’il s’agit des innocents ils se précipitent. C’est grave ! Le travail des policiers est d’assurer la sécurité des personnes et des leurs biens. Mais qu’est-ce que nous vivons ? », s’interroge ce chauffeur taxi, la quarantaine.
Pas encore de solution face à l’insécurité à Ntampa
Un des responsables du quartier Ntampa affirme que « la situation est très préoccupante ». Il rassure tout est mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité et remettre de l’ordre.
« Les plaintes se multiplient et aucune solution n’est trouvée jusque-là. Les policiers sont censés protéger la population et leurs biens, mais ils font le contraire. Nous envisageons une solution pour soulager la population », confie le même responsable du quartier, sous couvert de l’anonymat.
Depuis un moment, la commune de Makala fait face à l’insécurité causée par les gangs des kulunas. Les forces de l’ordre envoyées pour sécuriser la population ne rassurent pas. Du coup, c’est à se demander si une solution efficace sera trouvée contre les kulunas et les forces de l’ordre qui dévient de leurs missions, assurer la sécurité des personnes et de leurs biens.
Mervedie Mikanu