La montée du sentiment anti-Monusco, le départ exigé de la mission onusienne, des sanglantes manifestations et le récent rapport d’un groupe d’experts onusiens transmis au Conseil de sécurité des Nations unies, confirmant le soutien du Rwanda à la rébellion du M23. Patrick Mbeko, spécialiste des questions géopolitiques et auteur de plusieurs ouvrages sur les conflits armés en Afrique, répond aux questions de Sahutiafrica.
Mort d’hommes, des blessés et des scènes de pillages des bureaux de la mission onusienne en RDC. Goma, Butembo, Beni, Uvira… Des villes dans l’Est du Congo ont, il y a quelques jours, été agitées par des sanglantes manifestations contre la Monusco. Les manifestants ont exigé le départ de la Monusco jugée incapable à mettre fin à l’instabilité qui ronge cette région depuis deux décennies. Alors qu’il s’observe une accalmie, un groupe d’experts onusiens ont transmis au Conseil de sécurité un rapport qui confirme le soutien du Rwanda, en brouille avec la RDC depuis la résurgence du M23, à la rébellion du M23, qui occupe Bunagana depuis plus d’un mois. Une affirmation que Kigali rejette. « La Monusco porte le chapeau pour des choses qui relèvent de la responsabilité des autorités congolaises », affirme Patrick Mbeko, spécialiste des questions géopolitiques et auteur de plusieurs ouvrages sur le conflit armé en Afrique. Entretien.
Sahutiafrica : Les experts onusiens ont confirmé le soutien du M23 par le Rwanda. Qu’est-ce qui peut expliquer la sortie d’un tel rapport favorable à la position des autorités congolaise en ce moment ?
Patrick Mbeko : Ce n’est pas le premier rapport des Nations unies qui attestent le soutien du Rwanda aux mouvements rebelles dans l’est du Congo. Ce rapport est la suite logique de tout ce qu’on ait observé jusqu’ici. Maintenant, on peut se poser la question sur le timing et compte tenu de la tension qu’on observe, en RDC, vis-à-vis de la Monusco, de plus en plus perçue comme une force beaucoup plus problématique qu’une force de solution. Le timing peut mener à croire que les Nations unies ont rapidement publié ce rapport pour apaiser les tensions de populations congolaises vis-à-vis de la Monusco.
SA : Est-ce que ce rapport peut apporter quelque chose de positive à l’image, dont les Congolais ont de cette mission des Nations unies pour laquelle la population dans l’Est du Congo demande le départ ?
PM : Je ne crois pas vraiment. Les Nations unies sont là depuis plus de 20 ans. Le bilan global de la Monusco est assez problématique. Pour les populations congolaises, ça ne changera pas grand-chose étant donné que la présence de Rwandais dans l’Est du Congo est un secret de polichinelle. Les Congolais les savent. Et n’apprennent rien de nouveau par rapport à la réalité de la présence rwandaise ou du soutien du Rwanda au M23. Je ne crois pas que ça ne pourra rien changer que ce soit de manière décisive ».
SA : Le départ de la Monusco va-t-il profiter aux Congolais en ce moment ?
PM : Je ne pense pas. La Monusco est un mal nécessaire dans la mesure où sa présence peut dissuader certains fauteurs de troubles d’aller plus loin dans leur basse manœuvre parce que l’Onu voit tout et documente tout. L’Onu vient en soutien aux autorités congolaises. Aujourd’hui, le Rwanda ne peut pas affirmer le contraire sur ce que vient de dire l’Onu. Pendant toutes ces semaines, Kigali disait que les accusations des autorités congolaises étaient fausses. Mais avec les Nations unies, c’est un peu difficile de dire que c’est faux lorsque les Nations unies ont bien documenté ce soutien apporté au M23.
Il est important de faire comprendre à la population congolaise qu’il s’agit d’une mission de déstabilisation qui doit accompagner l’Etat congolais. Donc, la responsabilité première de la stabilité et de la paix au Congo revient aux autorités congolaises. Or, nous avons dans cette affaire un taux d’instrumentalisations. Les autorités congolaises profitent des insuffisances de la Monusco pour le faire porter le chapeau d’une certaine manière. Je pense aussi aux propos de M. Bahati Lukwebo, président du Sénat congolais, qui a déclaré que la Monusco devrait partir, alors que c’est l’Etat congolais qui ne fait rien. Je rappelle qu’il y a l’état de siège qui dure maintenant plus d’un an. Mais on a eu rien. Pourquoi ? Parce que rien n’est fait selon les règles et dans la rigueur.
Propos recueillis par Alimasi Kambale et Trésor Mutombo