« Qu’ils censurent et qu’ils lèvent la censure, ça ne change rien. Depuis 4 ans je vis la même chose. Je ne fais pas des concerts. J’ai été interdit de concert et des médias », a confié Bob Elvis, rappeur congolais, dans une interview exclusive à Sahutiafrica. Il affirme que sa musique est boycottée pour le message contenu dans ses chansons. « Lettre à Ya Tshitshi », sa nouvelle chanson a été censurée. Une décision qui a fait polémique. Cette décision sera levée après que Rose Mutombo, ministre congolaise de la Justice, a instruit à la commission de censure de revenir sur sa décision.
De son vrai nom Bob Masudi Matengo, Bob Elvis est réputé comme une personne, qui ne mâche pas ses mots. Il se réclame artiste engagé. Une voie qu’il a décidé de suivre suite à une enfance agitée dans un contexte de conflits armés à Kisangani où il a vécu la guerre de six jours. C’est en 2000 qu’il est arrivé à Kinshasa comme réfugié de guerre grâce à l’aide du Comité international de Croix-Rouge (Cicr). Bob Elvis, connu pour son ton critique à l’égard de l’ancien et de l’actuel régime, tire son inspiration de la situation politique et socio-économique de son pays. Selon lui, la situation ne change pas, alors que les régimes se succèdent. Détendu, Bob Elvis répond aux questions de Sahutiafrica dans son studio.
Sahutiafrica : « Lettre à Ya Tshitshi », votre nouvelle chanson a été censurée avant que cette décision ne soit levée. Comment avez-vous vécu ces instants ?
Bob Elvis : Pour moi, c’est sans conséquence parce que déjà à la base ma musique n’est pas diffusée dans les médias. Ça ne me fait rien du tout. Ils ont censuré six chansons, alors que ces chansons ne sont jamais passées dans les médias. Je ne comprends pas les raisons de la motivation de cette décision. Quand ils ont annoncé la levée cette décision, on n’a pas été notifié. Même lorsqu’on a annoncé que la chanson a été censurée. Qu’il censure ou qu’il lève la censure, ça ne change rien parce que depuis 4 ans je vis la même chose. Je ne fais pas des concerts. J’ai été interdit de concert, des médias etc.
SA : Vous dites que depuis 4 ans que vous n’avez plus de prestation publique. En tant qu’artiste, le fait de ne pas communier avec le public vous manque-t-il ?
BE : Bien-sûr que ça me manque. Les gens qui me suivent les savent. Je n’aime pas utiliser le terme victime. Je pense qu’on est boycotté à cause du message contenu dans mes chansons. Mais après j’assume. Ce n’est pas facile. C’est un combat. On est mentalement préparé pour ça. Je sais qu’il arrivera un moment où on va faire des concerts même de force.
SA : Dans la chanson Lettre à Ya Tshitshi, vous évoquez la situation politique et socio-économique du pays. Pourquoi ce titre ?
BE : Avant Lettre à Ya Tshitshi, j’ai sorti Lettre à Fatshi en 2020 pour expliquer à Félix Tshisekedi, président congolais, que le Fcc-Cach, ancienne coalition au pouvoir, ne nous amènera nulle part. Et qu’il devrait mettre fin à la coalition parce qu’elle ne faisait que rendre la vie de la population compliquée et plus difficile. Même le pain, qui coûtait 200 Fc avait connu une hausse. Il y avait la dépréciation vertigineuse du taux de change. Dans la deuxième partie de cette chanson, je l’avais dit que la gratuité de l’enseignement de base n’est pas mauvaise. Arrêter les voleurs de la République, ce n’est pas mauvais. Le saut-de-mouton, n’est pas du tout mauvais. Mais ce n’était pas prioritaire. Il faut penser à la pyramide de Maslow qui disait que : les premiers besoins à satisfaire, ce sont des besoins physiologiques. Les gens ont faim. Ils ont besoin d’eau et d’électricité. J’avais vu qu’ils n’avaient pas fait attention à ça malgré la rupture de la coalition. C’est pourquoi je me suis dit que je vais revenir. Au lieu de revenir avec une deuxième lettre pour dire : « Lettre à Fatshi », je dis qu’on va aller sur Lettre à Ya Tshitshi. Je vais écrire à son père du coup je vais lui parler (Félix Tshisekedi).
SA : Quelle est votre vision de la musique ?
BE : Aujourd’hui, on a besoin d’une musique qui va conscientiser. On est dans un pays où il y a énormément d’analphabètes. On pense qu’on étudie beaucoup, en vrai non. On est plus 100 millions, selon les estimations. Il faut voir la qualité des gens qu’on produit dans les Universités. Il faut voir parmi ces gens, s’il y a combien d’élites. Il y a peu de gens qui lisent. La musique peut servir de pont pour que les citoyens prennent conscience de leurs droits. Mais je ne dis pas que la musique doit être exclusivement ça.
Propos recueillis par Trésor Mutombo