De nouveaux tirs imputés aux paramilitaires ont visé lundi la ville de Sennar, dans le sud-est du Soudan, au lendemain d’une attaque ayant fait une trentaine de morts sur un marché de la ville, selon des sources pro-démocratie et des témoins.
Sennar est l’une des seules grandes villes de la région éponyme qui n’est pas contrôlée par les Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR). Depuis fin juin, elles contrôlent Sinja, le chef-lieu de l’Etat.
Le Soudan est ravagé depuis avril 2023 par un conflit sanglant entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les forces paramilitaires dirigées par son ancien adjoint Mohamed Hamdane Daglo, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et attaque l’une des pires crises humanitaires au monde.
Des experts du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont appelé vendredi au « déploiement sans délai » d’une force « indépendante et impartiale » de protection des civils au Soudan, une recommandation rejetée par les dirigeants du pays.
Des habitants de la ville Sennar ont fait état, auprès de l’AFP, de tirs pour la deuxième journée consécutive, sans qu’il soit possible de déterminer dans l’immédiat s’ils avaient fait des victimes.
Dimanche soir, des témoins et des sources médicales ont indiqué à l’AFP que 21 personnes avaient été tuées et environ 70 blessées dans un marché de la ville, par des tirs imputés aux FSR.
Ce bilan a été revu à la hausse par Emergency Lawyers, groupe d’avocats soudanais qui documente les atrocités commises depuis le début de la guerre. Selon lui, 31 personnes sont mortes et 100 blessées.
Ailleurs dans l’État de Sennar, à Souki, des frappes de l’armée soudanaise ont fait quatre morts dont des enfants, d’après cette source. Au total, 35 personnes ont été tuées dans cet Etat par des « tirs d’artillerie et des frappes aveugles » des deux camps, selon le groupe d’avocats. Une autre a été tuée par des tirs des forces paramilitaires dans le Kordofan du Nord, d’après cette source.
«Crimes contre l’humanité»
L’État de Sennar, qui abritait déjà avant les combats plus d’un demi-million de déplacés selon l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM), relève le centre du Soudan au Sud-Est contrôlé par l’armée et où des centaines de milliers d’autres déplacés ont trouvé refuge.
A Khartoum lundi, l’aviation soudanaise a ciblé les paramilitaires dans le centre et dans une zone au nord de la capitale, selon des témoins. Les experts de l’ONU affirment que les belligérants soudanais ont commis « une série effroyable de violations des droits de l’Homme et de crimes internationaux, dont beaucoup peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité ».
La recommandation des experts de déployer une force « impartiale » a été balayée d’un revers de la main par la diplomatie soudanaise, qui a déclaré une « violation flagrante de son mandat » par la mission de l’ONU.
« La protection des civils reste une priorité absolue pour le gouvernement soudanais », a affirmé le ministère des Affaires étrangères, accusant les « milices de cibler exclusivement les civils et les institutions civiles » et rejetant par ailleurs l’appel pour un embargo sur les armes.
«Choquant»
Lundi, l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a alerté sur l’acquisition par les belligérants « d’armes et d’équipement militaire nouveaux et modernes fabriqués à l’étranger ».
« Le Conseil de sécurité des Nations unies doit renouveler et étendre l’embargo sur les armes et ses restrictions imposées à la région du Darfour à l’ensemble du Soudan », a estimé l’organisation dans un communiqué, alors que le comité sur le Soudan doit se réunir mercredi.
Le gouverneur de la région du Darfour, Mini Minawi, a indiqué dimanche sur la plateforme X que les paramilitaires avaient « attaqué » la ville d’El-Facher, qu’ils assiègent, en utilisant notamment des drones. La guerre a entraîné le déplacement de plus de dix millions de personnes, notamment dans les pays voisins, selon l’ONU.
« Le degré d’urgence est choquant, tout comme l’est l’inaction pour endiguer le conflit et répondre aux souffrances provoquées », s’est alarmé dimanche le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom. Ghebreyesus, en visite à Port-Soudan (est).
AFP/Sahutiafrica