Au Kenya, des femmes rangers luttent contre les braconniers et les préjugés

« J’ai voulu devenir ranger pour changer la perception de ma communauté » : au Kenya, des femmes massaï patrouillent dans les vastes plaines au pied du Kilimandjaro, traquant les braconniers, mais aussi les préjugés dans une société encore très patriarcale.

 

Sous un soleil accablant, les membres de la Team Lioness (équipe de la lionne), toutes issues de la communauté massaï, se déplacent en tenue kaki près du parc national d’Amboseli, dans le sud du Kenya.

 

Le groupe s’immobilise, fait signe de se taire. Au-dessus d’un arbre, une girafe surgit, suivie d’une deuxième. Une des membres de l’équipe se saisit d’un talkie-walkie : « Nous avons vu 28 élans, 18 zèbres et 6 girafes ». La Team Lioness, qui ne porte pas d’arme, recense les nombreux animaux – hyènes, lions, éléphants – qui vivent dans la région. Et doit également faire face au braconnage.

 

« En 2022, nous avons interpellé un homme muni d’une machette qui venait de tuer une girafe », se remémore Purity Lakara, 27 ans, à la tête des rangers. Mais, pour les 17 femmes rangers, l’une des principales difficultés est de répondre aux préjugés persistants de la communauté massaï, peuple de bergers semi-nomades vivant dans le sud-ouest du Kenya et le nord de la Tanzanie.

 

Si les hommes n’ont plus besoin de tuer un lion pour prouver leur virilité, de nombreuses traditions, comme le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, sont toujours pratiquées, bien qu’illégales.

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«Inspirer»

 

« Ma communauté estime qu’une femme ne peut pas accomplir un travail physique exigeant. Ma communauté croit que les femmes sont toujours faibles », énumère Purity Lakara, poursuivant que le rôle dévolu aux femmes est de « rester à la maison, accoucher, traire les vaches et les chèvres ». Mais très peu pour elle : « J’ai voulu devenir ranger pour changer la perception de ma communauté », assure-t-elle.

 

Quand elle a annoncé qu’elle voulait devenir ranger pour « protéger la nature », la famille de Sharon Nankinyi, 23 ans, lui a répondu que c’était « impossible » et qu’elle devait se contenter « d’enfanter et d’aller chercher du bois et de l’eau ».

 

Mais, elle persévère et parvient également à se faire progressivement accepter auprès de sa communauté : « Ils nous ont vu marcher en uniforme sur de longues distances (…). Nous avons socialisé avec eux, nous avons interagi avec eux et c’est comme cela que nous leur avons montré ce dont nous étions capables », s’enorgueillit-elle, se décrivant comme « une femme courageuse, une Massaï, devenue ranger ».

 

Naiswaku Parsitau regarde le troupeau de chèvres qui paissent à l’extérieur du Risa, petit village d’environ 500 habitants. Depuis plusieurs jours, des hyènes rôdent à proximité. « Les gens ne dorment pas à cause de cela », témoigne Naiswaku Parsitau, 70 ans, cheffe communautaire massaï.

 

« Quand nous avons ces problèmes, nous appelons les rangers et elles patrouillent la nuit pour protéger le troupeau », déclare-t-elle, tout en assurant avoir eu des « doutes » au début sur la Team Lioness, mais qu’ils ont été « rapidement levés ». « Elles nous aident beaucoup, et elles peuvent inspirer d’autres femmes », sourit-elle.

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Des « doutes », Saitrbru Kimakori, 39 ans, en avait aussi. « Nous pensions que seuls les hommes pouvaient faire face aux lions, aux éléphants et aux incidents nocturnes. Mais elles interviennent même quand on les appelle à 2 heures du matin », concède-t-il.

 

«Modèle»

 

La Team Lioness a été créée en 2019 à l’initiative du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), une ONG qui paye le salaire des rangers. « Au début, il y avait de fortes résistances, de nombreux hommes ne voulaient pas voir de femmes en uniformes, et c’était une montagne qu’elles devaient gravir pour prouver ce dont elles étaient capables », se remémore James Isiche, directeur pour l’Afrique d’IFAW. « Mais elles ont prouvé leurs capacités, et les résistances ont été progressivement levées », poursuit-il.

 

A l’ombre d’un arbre, Kenneth Saei, 56 ans, chef communautaire du petit ville d’Endoinyoenkai, considère que « dans chaque métier il y a des femmes ». « Dans l’ingénierie, il y a des femmes, dans le droit, il y a des femmes, même des pilotes qui bombardent dans d’autres pays, il y a des femmes – alors pourquoi pas ce métier ? », relève-t-il.

 

Lorsque la ranger Sharon Mumbi, 21 ans, retourne à Endoinyoenkai, d’où elle est originaire, elle troque son uniforme pour une tenue traditionnelle. « Je suis la seule femme ranger dans notre région », sourit Sharon, se considérant comme un « modèle ».

 

AFP/Sahutiafrica

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