Les baffles hurlent une musique différente dans les stands de campagne des partis rivaux : dans le pays zoulou, en Afrique du Sud, la bataille est serrée entre l’ANC et le parti de Jacob Zuma pour grappiller encore quelques centimètres de terrain avant les législatives mercredi.
Le KwaZulu-Natal (KZN), province du sud-est ouverte sur l’océan Indien, est traditionnellement un bastion du Congrès national africain (ANC) au pouvoir depuis la fin de l’apartheid. Avec plus de 20% des électeurs inscrits, soit à peine moins que la province la plus peuplée du pays, le Gauteng, qui compte Johannesburg et Pretoria, le KZN est une région clé pour le prochain scrutin présenté comme le plus disputé des trente dernières années.
Mais sous les toits ronds des huttes traditionnelles de la campagne zouloue, ils sont nombreux à avoir abandonné leur loyauté envers le parti historique. A nouveau, ils se sont laissés convaincre par l’ex-président Jacob Zuma (2009-2018), interdit de candidature à un siège de député mais de retour dans l’arène politique, à la tête d’un nouveau parti baptisé du nom de la branche armée de l’ANC du temps de la lutte contre l’apartheid, Umkhonto We Sizwe (MK).
« Nous avons besoin de changement depuis longtemps », dit à l’AFP Thokozani Mthembu. Originaire du village de KwaXimba, il a rejoint les rangs du MK, devenant l’un des responsables locaux du petit parti radical né juste quelques mois avant le scrutin.
Selon les enquêtes d’opinion, l’ANC risque de perdre sa majorité absolue au Parlement le 29 mai, oscillant entre 40 et 47% des voix des intentions de vote. Et certains sondages suggèrent que le MK pourrait l’emporter dans le KZN.
Quelque 27,6 millions d’électeurs sont appelés mercredi à choisir 400 députés, qui éliront ensuite le président. Une cinquantaine de partis sont en lice.
«Regagner le pouvoir»
Si l’ANC passait sous la barre des 50%, il serait contraint à nouer des alliances pour se maintenir au pouvoir et conduire des négociations autour de la formation d’un gouvernement de coalition. Dans le KZN, des tensions sont montées pendant la campagne, selon des membres du MK.
Thokozani Mthembu raconte notamment qu’en janvier, après un rassemblement de plusieurs centaines de sympathisants en présence de M. Zuma, 82 ans, le MK a fait l’objet d’intimidation de la part de partisans de l’ANC.
L’ANC dément : « Nous n’avons qu’un seul objectif, gagner les élections sans menacer aucun autre parti », a assuré à l’AFP Sihle Gwala, un représentant local. Plus tôt en mai, la police a mis en garde contre « des déclarations susceptibles d’inciter à la violence ou créer la panique », après la diffusion d’un enregistrement affirmant que onze personnes ont été abattues dans un règlement de comptes politique.
Nicolas Ndlovu, ancien combattant de la lutte contre l’apartheid de 66 ans, raconte avoir voté toute sa vie pour l’ANC. Mais après trente ans de règne du parti, il exprime sa déception face à un chômage endémique, une pauvreté grandissante et des coupures d’eau, d’électricité qui empoisonnent le quotidien.
En basculant dans l’opposition, l’ANC retrouvera peut-être une raison de « travailler plus dur et regagner le pouvoir », dit-il.
En visite le mois dernier dans le village aux rues recouvertes d’affiches de partis qui ont promis de détrôner l’ANC, le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, qui compte sur un second mandat, a appelé les électeurs à ne pas se laisser tenter par ceux qui veulent « grignoter » du terrain, affirmant qu’ils n’accèderont de toute façon pas au pouvoir.
Mais pour Nkazimula Makhanya, 26 ans et au chômage, Jacob Zuma qu’il surnomme « le vieil homme », les mènera sûrement « vers la victoire ».
AFP/Sahutiafrica