Ce jeudi 30 mai, le décompte des législatives est en cours en Afrique du Sud, au lendemain d’un vote qui s’est parfois prolongé tard dans la nuit et pourrait marquer un tournant dans l’histoire du pays.
Les résultats définitifs ne sont pas attendus avant le week-end. Mais selon des résultats encore très partiels, avec un peu plus de 10% seulement des votes comptabilisés en début de matinée, l’ANC au pouvoir obtenait un score de 42% contre 26% pour le premier parti d’opposition (Alliance démocratique, DA), selon la commission électorale (IEC).
En perte de vitesse, le Congrès national africain (ANC), qui pendant trente ans a joui d’une loyauté infaillible des électeurs après avoir libéré l’Afrique du Sud du régime de ségrégation raciale, risque pour la première fois de perdre sa majorité absolue au Parlement.
Plus de 27 millions d’électeurs étaient appelés à se rendre aux urnes mercredi pour choisir leurs 400 députés, qui éliront ensuite le président. Les bureaux ont commencé à fermer à 21H00 (19H00 GMT), mais dans certaines villes, une forte affluence en fin de journée a prolongé le vote jusque tard. Le dépouillement a commencé dans la foulée.
L’IEC compte sur une participation plus élevée qu’au dernier scrutin de 2019, où 66% des électeurs s’étaient déplacés. Les sondages tablent sur un recul historique de l’ANC, oscillant entre 40% et 47% des intentions de vote.
Pour nombre des 62 millions de Sud-Africains, le parti qui avait promis l’éducation, l’eau et un toit pour tous, n’a pas tenu ses engagements. Trente ans après l’élection du premier président noir sud-africain Nelson Mandela, un tiers du pays est au chômage. La criminalité bat toujours de nouveaux records. La pauvreté et les inégalités vont croissant.
Le quotidien est rongé par des coupures d’eau et d’électricité. Et la multiplication des affaires de corruption impliquant de hauts dirigeants a fini d’entamer une confiance déjà mise à mal.
«A l’aube d’un changement»
Si l’ANC passait comme annoncé sous la barre des 50% des votes, il devrait se résoudre à nouer des alliances et se soumettre à des négociations pour la formation d’un gouvernement de coalition.
« L’Afrique du Sud est à l’aube d’un changement politique », titrait jeudi matin le quotidien local BusinessDay. « Le peuple a parlé », résumait le journal The Citizen, n’hésitant pas à comparer les longues files d’électeurs de mercredi à celles des premières élections multiraciales en 1994.
A Durban (est), Sibahle Vilakazi, 25 ans, est revenue en fin de journée une troisième fois dans son bureau de vote, découragée plus tôt par la foule : « Je ne renoncerai pas, nous avons besoin de changement, tout le monde ici va s’accrocher ».
En dépit d’un désamour croissant, l’ANC qui détient actuellement 230 sièges de députés (57,5%) devrait rester le plus gros parti au Parlement. Mais selon les experts, la toute-puissante organisation ressortira de ce scrutin affaibli.
A Soweto, le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, qui compte sur un second mandat, a assuré mercredi que la victoire de l’ANC ne fait « aucun doute ». Du côté de l’opposition, le chef de la DA, John Steenhuisen, a évoqué une nouvelle ère, après trente ans de scrutins où « il allait de soi que l’ANC allait gagner, on se demandait seulement avec quel score ».
Le parti libéral, qui promet de « sauver l’Afrique du Sud » et son économie, pourrait rafler 25% des voix, selon les enquêtes d’opinion. Les radicaux de gauche de l’EFF pourraient en remporter environ 10%.
Mais la plus grande menace pour l’ANC pourrait provenir du petit parti populiste, Umkhonto We Sizwe (MK) mené par l’ex président Jacob Zuma, crédité de jusqu’à 14% des suffrages. L’ancien chef d’Etat (2009-2018) zoulou de 82 ans, candidat à un siège de député mais déclaré inéligible quelques jours avant le scrutin, bénéficie encore d’un fervent soutien populaire notamment dans sa province du Kwazulu-Natal (est).
AFP/Sahutiafrica