Manque d’infrastructures à niveau, insécurité dans les installations sportives, problème de flux aérien, manque de moyens… La Ligue nationale de football (Linafoot) a annoncé aux clubs son incapacité de poursuivre le championnat en RDC.
Lundi 6 février. Dans la salle climatisée du siège de la Linafoot, située à la Gombe, centre d’affaires de Kinshasa, la commission de gestion de cette ligue a échangé avec les dirigeants de clubs, réunis au sein de l’Association des dirigeants de football en RDC (ADFCO). Une question est sur la table : la poursuite du championnat national. En fait, la Linafoot se sent essouffler et en incapacité de le poursuivre. Elle affirme avoir voulu discuter avec « ses sociétaires pour trouver des pistes de solutions ensemble ». Pour elle, le manque d’infrastructure, l’insécurité dans les stades et manque s’érigent en obstacles. Déjà un mauvais signe, alors que le championnat n’est qu’à la phase aller.
Manque de moyens
« Cela était prévisible, déjà avant le début de la 7e édition du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), malheureusement personne n’a tiré les leçons de la dernière édition. Si on veut aider le championnat, il faudrait que le gouvernement congolais réponde à ses engagements pour permettre à la Linafoot de trouver, pourquoi pas au cours de deux prochaines saisons, les sponsors sérieux », commente Bryan Mpungu, journaliste sportif congolais.
Pour lui, la Linafoot, elle aussi, a sa part de responsabilité dans cette impasse quant à la régularité du calendrier. En fait, le championnat congolais peine à avoir des sponsors. Jusque-là, seule la société des télécommunications Vodacom sponsorise ce championnat, dont le calendrier n’est pas respecté avec des reports de matchs en série. Selon un spécialiste du football congolais, la Fédération congolaise de football association (Fecofa) et la Linafoot manquent d’imagination pour attirer des sponsors, mais aussi de faire de ce championnat un outil de marketing. Pour lui, elles croisent les bras et n’attendent que le financement de l’État.
Reports des matchs en série
« Il faut bien revoir le contrat de droit-télé, car il faudrait vendre le championnat, etc… Au niveau Marketing de la Linafoot, rien n’a été fait puis elle est handicapée. Et cela peut se justifier. Comment on peut avoir un (des) annonceur (s) sérieux pendant que la régularité du championnat connait un sérieux problème dans son organisation et aussi longtemps que le championnat n’est jamais sûr de sa fin ? », s’interroge M. Mpungu.
Pourtant, la RDC vient de payer, il y a quelques jours, le manque de régularité de son championnat lors du Championnat d’Afrique des nations, où les Congolais ont mordu la poussière. Deux nuls et une défaite. Aucun but marqué. Ces joueurs, critiqués à tort ou à raison, risquent de se retrouver sans temps de jeu. Et même sans avoir un cadre pour exprimer leurs talents. « Je pense que l’absence du championnat est un handicap pour les clubs. Le championnat devait se poursuivre plutôt pour permettre aux clubs de faire une bonne préparation à travers des rencontres officielles », affirme Prince Liévin Nzazi, chargé de communication de Vita Club.
«On peut bien tout dire, le championnat reste la meilleure préparation…»
Les clubs, eux, sont privés d’un championnat, alors qu’ils doivent continuer à payer leurs joueurs. C’est une impasse surtout pour les quatre clubs congolais engagés aux compétitions interclubs de la CAF : Vita Club (en Ligue des champions) TP Mazembe, DCMP et FC Saint-Eloi Lupopo en Coupe de la Confédération. Après la débâcle des Léopards A’ au Chan en Algérie, ces clubs se savent très attendus, animés de cette envie de redorer l’image du football congolais, qui sombre, et d’aller le plus loin possible. Ils renforcent leurs ossatures. Lupopo, DCMP et Vita Club multiplient des matchs amicaux. Mazembe, lui, affûte ses armes dans son centre d’entraînement à Futuka, situé à 30 km de Lubumbashi dans le sud-est de la RDC.
Les dernières rencontres de ces clubs au championnat national remontent en décembre, soit deux mois. Mais qu’attendre de ces clubs qui risqueraient probablement de manquer de rythme ? « On peut bien tout dire, le championnat reste la meilleure préparation. Il y a des clubs qui s’organisent face à cette impasse. Vita Club, en tête du classement avec 31 points en 11 matchs, se prépare à Brazzaville, où elle va livrer quelques matchs amicaux avant son entrée en lice en Ligue des champions. Mais cela ne suffit pas. Or, si on joue les matchs, vous verrez qu’il y aura la mayonnaise, d’automatisme, du rythme et de l’intensité », indique Prince Liévin Nzazi.
Une après Covid difficile pour le football congolais ?
En RDC, le championnat d’élite navigue, depuis 3 ans, sur les eaux troubles. Tantôt, la Linafoot connait une fin agitée sur fond des contentieux administratifs entre clubs. Tantôt, elle n’arrive pas jusqu’à la dernière journée ou elle s’arrête carrément dès la phase aller. Le football congolais sombre depuis la période de l’après COVID. Et le championnat d’élite peine à retrouver une certaine régularité.
« On ne se dirige pas encore vers la fin du championnat. Tout peut reprendre, mais à condition que le gouvernement intervienne le plus vite possible afin de sauver la saison. S’il y a arrêt de championnat édition 2022-2023, ça sera une deuxième fois et ce n’est pas bien. La saison dernière, c’était pour cause des barrages du mondial Qatar ; cette saison, ce serait pour le CHAN. Deux arrêts à cause des Léopards, la sélection devient un frein pour le Championnat national ? C’est la question, pourtant ce dernier est censé permettre l’éclosion des talents au profit des sélections », analyse Brayn Mpungu.
Serge NKonde pointé ?
Une communication de la Fecofa se fait attendre. Certains observateurs du football congolais pointent la responsabilité de Serge Konde, ministre congolais des Sports. « A mon avis, le ministère des Sports a mal géré des fonds alloués à son secteur. On a assisté à des activités inutiles qui n’ont rien produit en lieu place de subventionner le championnat national, une pépinière de talents », regrette M. Nzazi.
Pourtant, un proche du ministre des Sports confie à Sahutiafrica que M. Nkonde a accepté d’engager de fonds pour la poursuite de la Linafoot. Selon lui, les choses tardent au niveau du ministère des Finances. « Ils ne voient que la scène, en oubliant ce qui se passe dans les coulisses », ironise-t-il.
Entre-temps, la Linafoot perd de plus en plus, pour plusieurs analyses, sa saveur. Elle n’attire plus. Surtout à Kinshasa, où le stade est presque vide même lors des rencontres phares du championnat national.
Trésor Mutombo